"J'ai pensé cette collection comme la dernière" - Dans les coulisses du défilé Jacquemus, et de son vestiaire pour toujours
Un virage minimaliste en réponse à une quête de sens.
Lumière tamisée sur un set blanc. Dans le cadre grandiose de la U Arena, Jacquemus avait prévu le plus simple apparat. Un décor simple et dénudé, pour laisser transparaître l’intemporel de sa nouvelle collection, “L’ANNÉE 97“. À travers un nouveau défilé mixte, le premier revendiqué pour l’éternel, le créateur éponyme Simon Porte Jacquemus a dévoilé une collection minimaliste, essentiellement faite d’un beige qui tirera à peine sur l’écru, le gris ou le bleu. Des motifs toujours mais subtils, pas ou peu d’imprimés, ce nouveau vestiaire tranche avec un précédent “Coup de Soleil” pour le moins coloré. C’est qu’on est là sur une mise à nu, qui tient du retour à l’essentiel après la prise de conscience.
“Un vestiaire minimal, qui serait pour toujours”
“Quand j’avais 7 ans j’ai pris un rideau en lin et j’en ai fait une jupe pour ma mère“. C’est cette phrase, prononcée par Simon, qui a ouvert le show avant l’apparition d’un casting 5 étoiles – les soeurs Hadid, Laetitia Casta pour un retour sur le catwalk après une décennie d’absence, mais aussi Joan Smalls ou Doutzen Kroes. Les collections du créateur sont toujours personnelles, celle-ci a de spécial qu’elle est un retour au tout début, à la première pièce confectionnée pour celle qui inspirera sa marque… en 1997. “J’avais envie de revenir à ça, à ce minimalisme là. C’est la première fois que je pense une collection comme la dernière, donc j’avais envie qu’il y ait cette première pièce dans cette collection. De faire un vestiaire assez minimal, un vestiaire qui serait pour toujours en fait, donc très beige, très pur“, nous explique le designer dans la foulée du show. On bloque sur cette idée de “dernière“. Il se dit qu’à 30 ans l’heure est au premier bilan, Simon Porte Jacquemus, qui passait ce cap l’avant-veille du show, a pris les devants pour la remise en question.
Il s’était épanché sur une nouvelle direction pour sa marque il y a déjà quelques mois, on en sentait les prémisses avec l’annonce des défilés mixtes et l’arrêt des invitations carton, le créateur l’imprime donc dans ce minimalisme, qui répond à une quête de sens. “J’ai pensé la collection comme la dernière parce qu’il y a plein de choses qui se passent dans le monde et dans la vie, et on a tous eu ce feeling, ce doute sur notre profession, qu’est-ce qu’on faisait et pourquoi… Alors j’avais envie de mettre encore plus de sens dans la mode. C’était mon idée. La nouvelle direction, c’est donc ça. Des défilés mixtes, penser les histoires une par une, pas d’invitation carton parce que ce n’est pas nécessaire pour marquer une date et un numéro… Ce sont plein de choses qui doivent faire sens. Et du sens dans tout, pas que du green, dans tous les procédés, dans la manière d’être, le fait de réduire les collections et les cycles, pour revenir à des choses plus sensées, comme nos grands-parents quoi. C’est important“. Et si l’essentiel est donc dans le minimalisme, le vestiaire masculin de la nouvelle collection trouve aussi son sens dans la continuité.
“Un truc enfantin et chic à la fois”
Jacquemus avait ouvert la voie à un workwear empreint de poésie avec l’actuelle collection “Le Meunier“, on le ressent toujours dans ce prêt-à-porter boxy lardé de poches cargos. On pourrait voir un clin d’oeil aux années 90 dans ces pantalons ouverts de manière nonchalante, dans une doudoune ou un manteau oversize, lesquels, sur le beat final du mythique “Gangsta’s Paradise” de Coolio, raviveraient presque l’époque bénie du hip-hop. “Il y a quelques clins d’oeil, mais rien de gros“, tempère pourtant Simon, lequel se voit loin d’un streetwear qui s’est fait timide sur les sets, autant que du tailoring qui y a repris ses droits, malgré la présence de quelques blazers.
“Il y en a un petit peu, mais pas beaucoup, ce n’est pas ce que j’avais envie de décliner. Ce n’est toujours pas streetwear non plus… C’est Jacquemus quoi, je ne sais pas comment l’expliquer, il y a un truc assez enfantin avec ces cargos, et de chic à la fois, je ne sais pas comment expliquer la formule, peut-être qu’on trouvera les mots après plusieurs saisons, mais j’ai l’impression que je le construis en tout cas“, conclut le designer. S’il n’y a pas les mots, reste l’impression. Le ressenti d’une beauté simple et légère, la marque de Jacquemus. Son Homme s’était affirmé au point de rejoindre son pendant féminin sur les défilés, pour sa quatrième sortie, il est littéralement son égal dans la pureté de cette année 97.