À la Fashion Week de Paris, la street' est (presque) finie
Exit le streetwear, une ère “tailoring twisté” s’est ouverte.
Tout le monde s’était engouffré dans la brèche, à fortiori depuis la collaboration Supreme x Louis Vuitton en 2017. Le streetwear, ses pièces et ses préceptes, constituait ces dernières saisons la grande tendance sur les podiums. Au point que les sets regorgeaient d’imprimés flamboyants sur des sweats oversize, voyaient défiler les rappeurs, et devenaient les lieux de révélation de nouvelles sneakers. Mais ce temps est révolu. C’est ce qu’on retiendra des shows Automne/Hiver 2020 à la Fashion Week de Paris, où personne n’aura abusé du hoodie et des baskets. S’il fallait une illustration, la voilà : Raf Simons, quand même le designer qui a créé l’un des premiers hits avec la Ozweego, avait annoncé le lancement d’une nouvelle ligne de sneakers… et il s’agit avant tout de bottines. Oui, la street’ sur les podiums, c’est fini. Il conviendrait de tempérer avec un “presque”, mais puisque c’est Virgil Abloh qui le dit…
La mode se taille un nouveau costard
Peut-être là, qu’on voit que la boucle est bouclée : c’est Abloh, incarnation de l’alliance luxe x streetwear, celui qui avait entériné la tendance avec sa nomination chez Vuitton dans la foulée du coup d’éclat “Supreme”, qui proclame sa fin. Le designer l’annonçait déjà voilà un mois, il l’a sous-entendu avec son défilé Off-White™, et finalement confirmé avec ce même LV. “Streetwear est un terme librement adopté et rejeté par Virgil Abloh. À travers la décomposition contemporaine des codes vestimentaires, le streetwear appelle à une redéfinition du terme en lui-même. Aujourd’hui, le streetwear caractérise les vêtements qu’on porte, et la manière dont on les porte“, soulignait dès ses premières lignes le communiqué transmis au défilé. Le préambule d’un épilogue.
Si Abloh avait prédit un virage vers le vintage et la seconde main, il a, comme tant d’autres designers durant cette Fashion Week, mis le cap sur le tailoring. Avec en point d’orgue un travail sur le costume, pour une redéfinition d’un “symbole de convention, de travail et de succès. Twistés et tournés, les dress codes d’un vieux monde sont neutralisés, réappropriés et adoptés pour une progressive joie de vivre”, ajoute LV, consignant la tendance globale qu’il résumera en “une reprogrammation des dress codes traditionnels“. Sur le set, le costume et ses pendants du vestiaire formel que sont le pantalon à pinces ou le trench apparaissent déstructurés, se parent de surcoutures et d’empiècements, de poches fonctionnelles plus work – du costume découle l’uniforme, inspiration logique – que streetwear. Avec tout de même un héritage de la tendance, qui nous fait dire qu’elle a “presque” plutôt que tout à fait disparue.
Le confort en héritage
Ce petit quelque chose de “street” est dans le clin d’oeil subtil, comme la couture d’un waist bag ou d’un gilet tactique à même la veste Louis Vuitton. Il est plus globalement dans les coupes : le costume se veut traditionnellement ajusté, il est ici plus ample. Alors oui, on sent un rapprochement du corps, l’oversize ne l’est plus autant, mais sans aller jusqu’à l’extrême qu’on peut voir dans l’épaulette d’un Rick Owens ou la manche d’un Hed Mayner, l’ensemble est plus large que le conventionnel. Il a ses variantes, la fluidité d’OAMC, le bombé d’Études, mais toujours du volume. Conclusion : si les blazers succèdent aux hoodies, on ne fera pas une croix sur la notion de confort incarnée par le second, propre au streetwear et inhérente à l’époque. Dans la mode qui s’annonce, on veut bien enfiler un costard, mais il se devra de garder une touche décontract’.
Reste aussi l’imprimé. Mais tailoring encore, on retiendra plutôt sa présence sur des chemises. Et point de tapage ici haut : le branding s’est mis en veilleuse, au profit d’un motif floral très répandu qui tient Valentino pour ambassadeur. Comme l’expression d’une certaine sensibilité. Mais n’est-ce pas là la nouvelle tendance ? JW Anderson rend hommage à un poète et nous dit vouloir retomber amoureux. Au vrai, on perçoit partout une quête de raffinement. Avec pour grande finalité, la définition d’une nouvelle élégance. Pour elle on a puisé dans le formel, jusqu’à raviver ses époques de prédilection, à l’instar d’AMI et de son show très “années folles”. On a pris ce qu’elle symbolisait de plus fort dans l’imaginaire collectif pour la réinventer. Voilà le créneau. Le streetwear cassait les codes, on y revient. Le streetwear est mort, vive le tailoring. Et le nouvel uniforme.