Rencontre - À Paris JW Anderson a voulu retomber amoureux
Dans les coulisses du défilé Automne/Hiver 2020 du designer britannique.
Le défilé de Jonathan Anderson, créateur éponyme de la marque JW Anderson, est toujours un moment attendu de la Fashion Week de Paris tant les runways du designer britannique relèvent souvent de la performance artistique. Pour son troisième passage dans la capitale parisienne, afin d’y dévoiler sa collection Automne/Hiver 2020, l’Irlandais a fait honneur à sa réputation avec un vestiaire en guise d’hommage appuyé à David Wojnarowicz, poète maudit new-yorkais des années 80 qui aura marqué la scène underground avec ses photographies, ses performances, ses films, son militantisme homosexuel et, notamment, sa célèbre série de ‘Arthur Rimbaud à New York’. Voix puissante, virulente même, et présence inconfortable des années 80’s aux États-Unis, c’est sa “poésie romantique” qu’a voulu retranscrire Anderson avec son dernier vestiaire.
“On a voulu prendre quelque chose de poétique et le rendre underground”
En résulte une collection pour le moins minimaliste mais plutôt complexe dans sa construction. Le FW20 de JW Anderson ne présente donc pas d’innombrables silhouettes sinon des déclinaisons subtiles d’un même modèle, avec des inspirations différentes mais complémentaires. “J’ai essayé de penser ma collection à la manière d’un triptyque, avec des doubles looks qui se parleraient l’un avec l’autre”, confie Jonathan Anderson à HYPEBEAST FRANCE après son défilé dans les travées la galerie des anticipations Lafayette. “Il s’agit de ne pas avoir peur de l’ADN de sa propre marque, il n’est pas nécessaire de proposer de nouvelles formes, certains classiques suffisent à donner une nouvelle interprétation, comme un choix de tissus différents”, poursuit-il, avant de confier néanmoins ce qu’il voit comme un virage.
“J’ai aussi cette envie de classicisme. On voulait prendre quelque chose de poétique et le rendre underground. C’est quelque chose d’incroyablement romantique, je trouve”. Ainsi, la nouvelle expérimentation d’Anderson accouche-t-elle de silhouettes qui repensent le corps, dans une version artistique nouvelle. Les mannequins sont notamment affublés de long manteaux surdimensionnés fermés à la taille par une grande chaine dorée, de sweats aux imprimés “Burning House” de l’artiste new-yorkais, et rehaussées par une sélection d’accessoires luxueux avec des mocassins à chaîne dorée, des foulards gonflés et des sacs. Mais la star du show était assurément le paisley.
“Interroger mes propres codes et retomber amoureux d’eux”
“J’aime le fait que le paisley soit devenu un peu comme une photocopie de photocopies, comme les tissus jacquards. J’aimais bien cette idée que quelque chose d’abstrait à l’origine explose totalement sur un t-shirt par exemple. Et je n’avais pas touché au paisley depuis très longtemps. Ma toute première collection pour Femme était pleine de motifs paisley, et je voulais vraiment y revenir cette fois-ci. Interroger mes propres codes et, quelque part, retomber amoureux d’eux”, nous précise le designer qui ambitionne de délivrer un message direct et presque politique avec l’hommage rendu au parfois controversé Wojnarowicz.
“Mon message ici a quelque chose à voir avec la clarté. J’ai l’impression que quand un produit est bon, on peut sentir cette clarté et cette substantialité qui s’en dégage. Je voulais vraiment être direct. J’ai toujours été très inspiré par son travail. Cela peut être considéré comme très sombre, très pessimiste mais je pense que son travail a aussi été une ouverture vers le positif. Il avait une voix politique mais pas seulement pour le plaisir. Mais c’est plutôt de se demander : comment peut-on faire naitre la créativité à travers une voix politique. C’est un peu ‘penser avant de parler’. C’est un peu de quoi est faite cette nouvelle collection. ‘Penser avant d’agir’, avant d’aller de l’avant.”
Innovante, la collection l’est assurément. Si bien que, comme souvent avec Anderson, l’on se demande si les vêtements sont portables ou s’ils sont le fruit pur et simple d’une nouvelle expérimentation artistique, si sa vision est résolument avant-gardiste ou bien simplement une nouvelle référence à d’anciennes mouvances. L’essence absolue d’Anderson, également directeur artistique de chez LOEWE depuis des années, fut en tout cas une nouvelle fois palpable lors du défilé.
Fidèle à ses principes, comme toujours. C’est de cette manière qu’il conçoit sa marque, et qu’il entend assurer sa pérennité dans le temps, avec la cohérence en maître mot. “J’aimerais vraiment continuer à faire des choses de la même manière que celles que l’on fait aujourd’hui. Je ne crois pas au fait de pouvoir construire une marque sans prendre le temps. Je travaille avec des marques qui ont parfois des centaines d’années d’existence. Les marques prennent du temps, nécessairement. La mienne doit grandir en même temps que je grandis. J’ai 35 ans, et toutes les choses ont leur propre rythme. D’autant que c’est un projet très personnel pour moi, la marque est à mon nom. C’est quelque chose que je vois comme un laboratoire de travail”, conclut JWA. Avec ses nouvelles expériences, le laboratoire JW Anderson aura une fois encore fait mouche auprès du public.
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