Oui Vous Aimez Virgil Abloh, Mais Non Vous Ne Pouvez Toujours Pas Vous Acheter Du Louis Vuitton
Vous y aviez cru ?
En mars 2018 Louis Vuitton couronnait Virgil Abloh en tant que nouveau directeur artistique des collections menswear de la maison française. Un avènement pour la scène streetwear qui voyait en l’Américain l’un des véritables papes de son mouvement. Mais comme le soulignaient tous deux Jay co-fondateurs de BKRW et Pascal Monfort, fondateur du cabinet de conseil en prospective mode REC TRENDSMARKETING, LV n’attend pas de Virgil qu’il fasse du streetwear mais bien qu’il transcende le genre, le luxe.
Une réconciliation entre les genres quasi réussie seulement un an à peine après son intronisation dans la grande maison française, si on en croit les chiffres et la popularité croissante de la marque. LVMH annonçait tout récemment une hausse de 15% de ses ventes en “Mode et maroquinerie” avec des félicitations en premier lieu pour Louis Vuitton. “Louis Vuitton réalise une performance exceptionnelle à laquelle contribuent tous les métiers et toutes les régions. Sa force créative se retrouve notamment dans ses lignes iconiques en maroquinerie sans cesse revisitées, et dans le prêt-à-porter et les souliers, imaginés par les créateurs de la Maison, Nicolas Ghesquière pour les collections féminines et Virgil Abloh, arrivé en 2018, pour les collections masculines. L’expansion qualitative des boutiques se poursuit de manière très sélective”, expliquait le groupe dans un communiqué.
Détails du premier défilé printemps/été 19 de Virgil Abloh pour Louis Vuitton – Crédit : PAUL MOUGEOT/HYPEBEAST FRANCE
Seulement voilà…
Si le nom d’Abloh résonne chez les aficionados de la mode dite “street” et que par ricochet la cible de l’artiste US lorgne sur Louis Vuitton, son porte monnaie n’est toujours pas en adéquation avec les prix affichés par le secteur du luxe. En témoignent ceux de la toute première collection printemps/été LV estampillée Abloh. 170 000 euros un trench en croco, 3 900€ la varsity jacket, plusieurs t-shirts à 1 100€. Finalement pas très loin de certains prix Off-White, marque premium de Virgil qui se veut streetwear dans l’apparel mais luxe sur l’étiquette. Vous voyez où on veut en venir ? En plaçant une figure de la scène streetwear, le consommateur lambda se fait une image mentale de produits “accessibles” ou en tout cas qui pourraient lui être destinés. D’où parfois la confusion comme le révélait le récent débat Twitter autour de la définition des marques de luxe. Mais une fois l’écran de fumée dissipé… Le luxe tient toujours ses codes. Avec comme arme première ses prix qui affichent un nombre de zéros qui résonnent comme des tirs à bout portant dans le porte monnaie de la cible streetwear. Et même si celle-ci est composée d’une niche d’individus armée d’un pouvoir d’achat élevé, cette dernière n’est pas le reflet de la masse qui s’habille, qui mange, qui vit streetwear. On vise “100% de niche, plutôt que 1% de la masse”, disait Michael Burke, président-directeur général de Louis Vuitton dans une récente interview pour Madame Figaro au sujet des nouveaux parfums Louis Vuitton lancés en boutique.
Un moyen de faire rentrer une nouvelle cible en magasin, un appât pour mieux mordre à l’hameçon : “Le parcours de désirabilité chez Louis Vuitton est long : on est attiré tôt dans la vie par LV mais il se passe en moyenne sept ans entre le moment où naît le désir d’entrer en relation avec la marque et le passage à l’acte. Avec un parfum à 220 euros, ce délai est raccourci” expliquait-il. 7 ans donc entre la première fois où vous avez eu envie de vous acheter du Louis Vuitton et le moment où vous en achèterez vraiment. Mais si le parfum peut être une nouvelle carotte, il n’est pas que ce le consommateur streetwear souhaite. Parce qu’il ne se voit pas. Aussi simple que ça.
Alors même si la masse économise pour s’acheter quelques pièces, elle n’est toujours pas le client visé. Elle optera pour des porte-cartes, des porte-monnaie, des accessoires qui sont tout autant considérés comme un vêtement en 2019. Bourse vide, mais bourse LV avec quelques centimes de rêve à faire cliqueter.