El Camino : Entre quête de liberté et rédemption, que retenir de la dernière ride de Jesse Pinkman ?
Fan service ou fin idéale à l’univers Breaking Bad ?
“Bof”, “je me suis endormi“, “il ne se passe rien, c’est vide“, “un film pour les fans purs et durs de la série”, les critiques sont nombreuses… Et le moins que l’on puisse dire c’est que la nouvelle conclusion romancée de l’univers de Breaking Bad, El Camino, a divisé les spectateurs. Pourtant, le film de Vince Gillingan n’est rien de plus que ce qu’il ambitionne d’être : une suite qui, si elle n’était pas indispensable, insuffle à l’histoire un sens nouveau et bénéfique qui vient parfaitement compléter la fin déjà magistrale offerte par Breaking Bad, la série.
C’est peu dire que El Camino était attendu, et redouté, après l’annonce surprise de Netflix de la mise à disposition d’une suite, et d’une nouvelle conclusion, à la série culte Breaking Bad. Diffusée de 2008 à 2013, la série de Vince Gilligan aux 15 Emmy Awards est presque unanimement considérée comme un chef d’œuvre de la série télé et tient de fait la dragée haute aux mastodontes que furent Les Soprano, The Wire ou encore Six Feet Under. Six ans plus tard, le pari de proposer un autre regard sur la fin, pourtant déjà excellente tant les différents arcs narratifs avaient été conclus de manière magistrale, était ambitieux. Alors, El Camino, vraie conclusion à l’univers de Breaking Bad, ou simple fan service émouvant pour les nostalgiques de l’œuvre originale ? Probablement un peu des deux.
La nostalgie opère immédiatement
Le film reprend donc là où on avait laissé la série six ans auparavant, au moment même de la fuite de Jesse Pinkman de chez les néo-nazis d’où il a été libéré par Walter White. On retrouve alors Jesse, campé par un Aaron Paul à l’interprétation parfaite, en pleine cavale, traumatisé, et marqué physiquement par les évènements de la saison 5. Dès les premières minutes, la nostalgie opère et le plaisir est immense au moment de retrouver de nombreux anciens personnages de l’univers Breaking Bad. L’atmosphère, l’ambiance, la musique, les personnages; chaque spectateur (et fan) de la série aura eu l’impression de retrouver un être cher perdu de vue pendant plusieurs années.
Si El Camino évoque d’abord la Chevrolet El Camino de 1978 conduite par Jesse au moment de sa libération, l’appellation s’ouvre à bien d’autres lectures tout au long du film. Guidé par son passé et ses expériences, Jesse nous entraîne surtout sur son “camino” à lui, son chemin, son voyage vers la liberté et la rédemption d’une odyssée criminelle et meurtrière commencée il y a bien longtemps.
Une mise en scène magistrale fidèle à la série
Plus calme et sans doute plus lent qu’un épisode ordinaire de Breaking Bad, El Camino est toutefois composé d’une douceur violente qui décontenance. Cousu (et décousu) à coups de flashbacks qui renvoient à différentes époques de la série et des tribulations de Jesse, le métrage interpelle par son message. Des mots compatissants de Mike pour notre héros dès les premières minutes du film au flashback de Walter White et de sa confession troublante en passant par les larmes de Pinkman au moment de retrouver ses amis et la déclaration d’amour touchante de Skinny – “You’re my hero and shit…” -, le spectateur comprend bien que rien ne sera plus jamais comme avant pour Jesse. Par ailleurs, chaque personnage plus ou moins important a droit à sa scène d’adieu, et tous sont respectés par l’auteur.
De son côté, la mise en scène est tout bonnement sublime, dans la pure tradition de ce qui était proposé pour Breaking Bad. La photographie du film est superbe, magnifiée par les paysages remarquables de la région d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Chaque plan est travaillé avec soin, les cadrages sont parfaits et jouent avec une profondeur de champ très intéressante qui permet d’intensifier les actions effectuées à l’image par les personnages du film. Le tout enveloppé d’une musique “breaking badesque”, parfois en rupture totale avec les évènements à l’écran. Le constat est clair, après être parvenu à créer une (très) grande série, Vince Gilligan réussit là du très bon cinéma. Sans doute pas parfait, mais tellement plus qu’un simple épisode long format de la série.
Le chemin jusqu’à la “dernière frontière”
Mais alors, quid de l’apport réel de El Camino à l’intrigue Breaking Bad ? De prime abord, le film traite uniquement de la volonté de Jesse Pinkman de fuir et de commencer une nouvelle vie. Et s’il semble ne rien apporter de nouveau à ce que la fin ouverte de la série laissait déjà suggérer, le film frappe ici par sa poésie. Tout le métrage n’est qu’une ode à la quête de liberté et au désir féroce de s’extirper d’un univers fait de violences, de trahisons et de déceptions. Le voyage initiatique de Jesse, son camino, entraîne tout sur son passage et on retiendra le plan final du film – miroir inversé du dernier plan de l’épisode “Felina”, final de Breaking Bad – et le sourire apaisé de Jesse, enfin libéré et enfin arrivé au bout de son chemin là où se situe la “dernière frontière”, l’Alaska.
De tous les personnages de la série, ce sera lui, et lui seul, qui sera parvenu au bout de ce chemin. La boucle est bouclée et on aura eu le droit à une dernière virée nostalgique touchante. Plus qu’une nouvelle fin à Breaking Bad, El Camino est plutôt un épilogue, un bonus qui vient compléter la fin déjà dépeinte dans la série. Pouvions-nous en attendre plus ? Sans doute. Mais le film, tantôt viscéral mais terriblement bouleversant, a le mérite de mettre un point final aux quelques intrigues en suspens après la fin brutale de la série. Et puis, le plaisir de reprendre une dose, de s’offrir un dernier ride contemplatif des acteurs d’une série qui aura marqué son époque et de nombreuses générations, ne se suffisait-il pas à lui-même ?
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— Jordan (@jordanbrownuk) October 13, 2019