À La Découverte De Ground Zero, Le Streetwear Audacieux Venu D'Hong Kong
Rencontre avec la griffe à l’occasion de la sortie du lookbook de sa collection Printemps/Été 2019, sa deuxième exploration du territoire masculin.




















Qui n’a pas rêvé, un jour sombre de sa vie, de tout lâcher pour “repartir de zéro” ? Voilà ce qui se cache derrière le nom du label Ground Zero. Une fin de journée difficile. Philip Chu vient de se faire licencier de son job de graphic designer. Il rejoint dans un restaurant de sa ville d’Hong Kong son frère Eri. “Il essayait de me réconforter, mais il n’y arrivait pas vraiment, puisqu’il avait un job sans avenir, se souvient-il. On s’est posé dans ce restaurant, et on a décidé de faire un truc à nous. C’est comme ça qu’on a créé notre marque. Documenter, nous souvenir de notre point de départ, ce qui implique nos espoirs, c’est ce que veut dire le terme ‘Zero’ pour nous“.
Tout plaquer et se lancer dans une passion sans véritable background, voilà une décision qui n’est pas toujours suivie d’effets positifs. Mais les frères Chu ont tout fait pour que ce qui ressemble à un coup de tête se matérialise en concret. Philip est parti étudier la mode à Londres, y écoulant en parallèle de son frère resté au pays leurs premiers t-shirts, qui font parler d’eux grâce à certaines stars hongkongaises. Ground Zero a toujours eu dans l’idée de faire de l’unisexe, mais c’est sur la Femme qu’il se concentre en premier lieu. Avant même le lancement de sa première collection officielle en 2008, qui correspond peu ou prou au retour de Philip à Hong Kong, l’identité de la marque est en tout cas bien établie.
“Nous utilisons des pièces classiques pour les transformer en quelque chose d’autre“
La posture est anti-fashion, rend un hommage permanent à la culture hongkongaise, dans des looks déstructurés, déconstruits, déformés, autant de synonymes dont les deux créateurs usent pour définir leur approche. “Nous ne concevons rien de nouveau, ni ne créons de nouvelle esthétique. Nous utilisons des pièces classiques pour les transformer en quelque chose d’autre“, décrit Philip. L’inspiration, elle, vient justement de leur regard aiguisé, partagé entre l’Orient et l’Occident. Marqué par les tenues qu’ils observaient dans la rue au creux de leur jeunesse, autant que par les vitrines de boutiques de luxe sur lesquelles ils ont toujours lorgné. “Nous avons exploré le rapport Est-Ouest et avons mélangé différentes cultures pour les faire devenir nôtres. Pour définir la mode à Hong Kong, je citerais en exemple notre légendaire icône Anita Mui dans les années 80, qui pouvait porter une tenue androgyne à la Boy George, et le lendemain une grande veste de costume à épaulettes Claude Montana. Les gens sont audacieux, ils veulent porter et montrer qui ils sont vraiment“, poursuit le designer.
Cette audace n’est plus à prouver, après s’être étalée à plusieurs reprises sur les podiums féminins des Fashion Weeks. Mais elle a pris une autre tournure dernièrement. Avec ”Untitled ( ) Individual”, sa collection Automne/Hiver 18-19, Ground Zero a en effet lancé l’Homme. Et assume désormais parfaitement sa mode gender neutral. “Nous attendions juste le bon timing”, justifie Philip, pointant de meilleures ressources et l’accroissement de sa visibilité en Chine pour opérer ce virage. Avec la collection Printemps/Été 19 qu’il nous dévoile aujourd’hui, Ground Zero montre qu’il poursuit sur cette lancée.
Les deux designers ont puisé pour l’occasion dans les films de gangsters hongkongais et la dynamique du quartier rouge de la ville, où se croisent mafieux et fashionistas, touristes et locaux, pour créer un mélange bien particulier, qui flaire bon les 90’s. “Nous avons grandi au cours de cette période et ce fut également un grand moment pour Hong Kong. Il y avait beaucoup de cultures émergentes, le secteur du divertissement était très prospère, avec beaucoup de super stars que nous aimions, et qui nous ont fait tomber amoureux de la mode“, analyse Philip.
Les pièces normcore déstructurées, à l’image d’un costume ample ou d’un denim customisé, des imprimés pop culture/kitsch et des coupes oversize, autant de références à la période phare des créateurs, qui servent leur vision du streetwear. Parce que c’est bien de streetwear dont les frères Chu entendent parler ici, à travers ce qu’ils conçoivent de réinterprétations de la vie quotidienne. Philip l’assure, “le streetwear donne une expression propre à la jeunesse“. Avec Ground Zero, il entend lui offrir en supplément une bonne dose de caractère.