Le lien entre mode et musique est aujourd’hui à son paroxysme. De Kanye West à Rihanna en passant par Pharrell, beaucoup d’artistes ont lancé leurs propres marques et multiplié les collaborations. Une nécessité, à l’heure où le streaming les a privés d’une grande partie de leurs revenus traditionnels ? Peut-être. Mais l’heure est aussi, et c’est indéniable, au mélange des genres. Au refus d’un qualificatif qu’on verrait trop étriqué – musicien, dans ce cas – au profit de l’étiquette de créatif, glané par l’approche multidisciplinaire – Virgil Abloh peut concevoir une pochette d’album, une chaise ou une paire de sneakers. Ainsi, si les artistes musicaux investissent la mode, l’inverse est aussi vrai : certains créateurs ont décidé de créer un label. Dans ce sens, la réussite est moins garantie. Produire un album est coûteux, la rentabilité loin d’être aisée. Mais entre gain de visibilité, passion voire mécénat, certains ont vu l’occasion de tenter le coup.

A.P.C. : Jean Touitou, le précurseur passionné

Si le minimalisme chic de Jean Touitou est reconnu mondialement, sa qualité de musicien l’est bien moins. Amoureux de rock, il a poussé sa passion jusqu’à la création d’un label dès 1993, soit seulement 6 années après les débuts de sa marque. Cette activité, débutée avec le “Think About Brooklyn” du guitariste F. Robert Lloyd, a débouché sur la production de pas moins de 25 albums. Du rock, donc, mais aussi de la musique expérimentale ou populaire venue des quatre coins du globe (Argentine avec Astor Piazzolla, Algérie avec Élie Boniche, Cuba avec Havana Mood…). À la passion, A.P.C. a joint l’expertise.

Maison Kitsuné : le symbole de la double identité (et du succès)

S’il y a une réussite à retenir de cette fusion, le premier nom à retenir est celui de Kitsuné. Fondée en 2002 par des passionnés de mode (Masaya Kuroki) et de musique électronique (Gildas Loaec), la marque a toujours développé ces deux aspects simultanément. Et le succès est aussi au rendez-vous dans la section musicale : le label indépendant déniche régulièrement des talents de l’électro, dont certains, comme le duo La Roux ou le groupe Klaxons, ont par la suite rejoint des grosses maisons de disques. Costaud. D’autant que l’aventure continue.

April 77, The Kooples et Zadig & Voltaire… les débuts prometteurs avant la chute

Là est tout le souci des marques dans leur démarche musicale : la pérennité. La moindre difficulté côté vente de vêtements peut en effet impacter la production d’artistes, comme en atteste l’exemple d’April 77. La marque française, qui a toujours revendiqué une identité rock et s’est faite un nom avec ses jeans slim et ses cuirs, a lancé son label April 77 Records en 2007. Après une belle réussite à ces débuts, très rock donc entre les groupes Rock Acid et la bonne pioche Stuck In The Sound, des difficultés financières en 2010 ont grandement impacté l’aventure. Et April 77 n’a plus produit que deux de ses 25 albums depuis… Même débuts prometteurs, même évolution du côté de Zadig & Voltaire, lancé en 2009, ainsi que pour The Kooples, qui a très vite abandonné l’expérience studio.

Brain Dead : le dernier venu

Ces récentes déconvenues n’ont pas entamé le moral de nouvelles griffes. De l’autre côté de l’Atlantique, où le cumul des mandats mode/musique est chose très rare également, les Angelinos de Brain Dead et leur logo bien reconnaissable – qui s’affichait dernièrement sur celui de Carhartt – ont sauté le pas en 2016. Déjà empreinte de la notion de collectif, elle qui regroupe artistes et designers, la marque a ajouté une corde à son arc avec la production musicale, entamée par une approche plutôt originale, à savoir la distribution de cassettes. Cette approche, les deux fondateurs de Brain Dead l’ont détaillée dans les colonnes d’HYPEBEAST.

Diesel : le mécène

En 2001, la marque italienne monte le label Diesel:U:Music. Si elle a édité des compilations, son but premier n’était pas de signer des groupes ou faire des disques, mais plutôt révéler des talents. Pour ce faire, en plus d’une plateforme web et d’une radio diffusant des titres 24h/24, elle a créé un concours annuel, dont elle invitait les gagnants à se produire sur scène dans des tournées de grande envergure. Mais la tâche était peut-être trop lourde : là encore, après 2010, l’activité a cessé… Pourtant, à voir la belle histoire Diesel et l’autre exemple agnès b., le mécénat paraît être une bonne approche pour investir la musique. Si elle n’a pas de label à proprement parler, la marque française soutient elle des maisons de disques, de même que des festivals et artistes. Jusqu’à co-produire certains albums, prendre en charge des frais, gérer les impressions de covers… pour ne citer qu’une partie de ses nombreuses actions. “Faire découvrir et offrir de la visibilité à des labels, à de jeunes artistes… indépendants, comme nous“, assure agnès b. sur son site, comme pour désigner sa mission. Les artistes le lui rendent bien, comme en témoigne leur proximité de toujours, encore mise en relief par une collaboration à venir avec Nekfeu.