« Marty Supreme » surfe sur une nouvelle vague de merchandising cinéma
La campagne menée par la veste portée par Chalamet repose sur une stratégie maligne qu’A24 a discrètement portée à la perfection.
À l’approche de la sortie du film de Josh Safdie, Marty Supreme pour le jour de Noël, le film produit par A24 laisse derrière lui un tourbillon d’activations centrées sur le merch qui ont marqué les esprits comme aucun autre titre ces dernières années.
En apparence, l’initiative paraît dérisoire face à la campagne marketing à 150 millions de dollars US déployée pour le film de Greta Gerwig, Barbie (2023). La stratégie de Warner Bros. a mobilisé plus de 100 collaborations — de Gap et Crocs à Xbox et Airbnb — en faisant l’une des campagnes de promotion les plus musclées de l’histoire. Et il semble bien que la franchise Wicked d’Universal ait pris le relais, en lançant des collabs similaires avec Gap et Ruggable, ainsi qu’avec PUMA, Le Creuset, Casetify et bien d’autres.
Pourtant, c’est précisément l’ampleur qui distingue Marty Supreme. Plutôt que de frapper à toutes les portes, la campagne a soigneusement sélectionné ses collaborations et misé sur des figures ultra-visibles pour faire passer le message.
L’effet Chalamet
Dans le rôle principal de Marty Mauser, Timothée Chalamet a fait office de panneau publicitaire vivant pour le film, apparaissant sans cesse dans des Marty Supreme de différentes couleurs. Les pop-up dédiés au merch, calés sur la tournée promotionnelle du film, ont attiré des foules de fans impatients de mettre la main sur ces coupe-vent à 250 dollars US.
Le style de l’acteur faisait déjà beaucoup parler cette année, en faisant de lui le tremplin idéal pour la veste imaginée par le label Nahmias, basé à Los Angeles. Souvent mitraillé par les paparazzi, habillé de pièces streetwear cultes et de pièces de luxe sélectionnées par le styliste Taylor McNeill (qui habille aussi Kendrick Lamar), Chalamet est devenu le pivot d’une stratégie plus large visant à faire entrer la veste dans les conversations culturelles grand public.
Le coupe-vent — floqué du titre du film — a été décliné dans une palette de coloris, dont certains inspirés des drapeaux du Mexique et du Brésil. Après que Chalamet a inauguré la version noire et bleue dans un clip promotionnel, la veste s’est très vite retrouvée sur Kylie et Kendall Jenner, captant instantanément des millions de regards. Peu après, des figures comme Kid Cudi, Tom Brady ou Misty Copeland ont été aperçues dans la même pièce.
Pour couronner le tout, Golf Wang, le label de Tyler, the Creator, a annoncé une collection en édition limitée après l’apparition de l’artiste à l’avant-première new-yorkaise du film.
L’ascension du A24 Store
En une décennie, A24 est passé de l’ombre aux premiers rangs de l’industrie du divertissement, non seulement grâce à des succès au box-office comme Moonlight (2016), Hereditary (2018), et Everything Everywhere All At Once (2022), mais aussi grâce à son approche résolument moderne du merchandising.
Ce virage a commencé en 2018, lorsque la directrice de création d’A24, Zoe Beyer, a rencontré les fondateurs du label culte aujourd’hui disparu Online Ceramics. Ce qui avait commencé comme un T-shirt « bootleg » Hereditary a évolué en un partenariat officiel qui a redéfini la stratégie du studio.
Aujourd’hui, le webstore A24 est une destination à part entière, proposant des collaborations logotypées avec Brain Dead, des bijoux signés J. Hannah, et des capsules pointues comme la ligne Smashing Machine avec Minor Planet, label new-yorkais. Par ailleurs, l’un des designers les plus influents de l’année, Jonathan Anderson, a utilisé ses propres canaux pour dévoiler du merch en collaboration avec le réalisateur Luca Guadagnino pour Queer (2024), produit par A24.
Le studio indépendant a peut-être bouleversé le jeu du merch cinéma avec ses collabs de niche, mais il n’est plus le seul à viser un impact plus organique. La plateforme de streaming MUBI entretient un partenariat continu avec Brain Dead, organisant des projections dans le flagship de la marque à Los Angeles et cosignant du merch pour des titres comme The Substance (2024) et Lurker (2025). Dans un registre plus inattendu, Dover Street Market et la plateforme de cinéma Criterion ont annoncé un partenariat qui verra naître des pop-up DVD en boutique au sein de cette destination ultra-mode.
Même le géant Universal Pictures a affûté sa présence dans la mode. En 2025, Universal a signé un partenariat avec le distributeur japonais Uniqlo pour étoffer sa ligne UT avec du merch inspiré des archives de titres iconiques du catalogue Universal, Jaws, E.T., Back to the Future, et Casper. À l’autre extrémité du spectre, le studio a aussi lancé une collaboration discrète avec la marque de lunettes Oliver Peoples pour recréer les lunettes de Guillermo Del Toro dans le film de Wes Anderson, The Phonecian Scheme.
Des collabs misant sur la qualité plutôt que la quantité
À l’ère post-Barbie, il est plus clair que jamais que les collaborations mode sont devenues un levier central pour créer le buzz autour des nouvelles sorties. Pourtant, inonder le marché d’un déluge de licences ressemble de moins en moins à la recette gagnante. Miser sur le « on tente tout et on verra bien » est non seulement un pari coûteux, mais cela expose aussi à une lassitude du public bien avant l’arrivée du film en salles.
Marty Supreme montre qu’une stratégie de diffusion lente peut être tout aussi puissante qu’un raz-de-marée. La campagne a profité de ses partenariats sélectifs, mais aussi du buzz organique généré par un seeding très ciblé sur les VIP. En choisissant un label émergent comme Nahmias et en limitant les quantités, le merch du film s’est doté d’une aura d’exclusivité. Sur les plateformes de revente comme StockX, ces vestes vendues 250 dollars s’arrachent déjà à plus de 1 000 dollars US.
Le slogan du film invite peut-être à « rêver en grand », mais sa stratégie marketing resserrée, misant sur la qualité plutôt que la quantité, est sans doute la vraie clé qui lui a permis d’émerger du brouhaha ambiant.



















