"Mon Nouvel Album 'Nuit' N'Est Pas Sombre. C'Est La Nuit, Mais Sous Les Néons", Une Discussion Avec Le Noctambule Du Rap Français Jazzy Bazz
On a parlé avec l’oiseau de nuit Jazzy Bazz, qui sort aujourd’hui son nouvel opus… “Nuit”. Toujours mélancolique, mais plus coloré.
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C’est une fin d’après-midi de septembre, de ceux qui officialisent le retour de la grisaille parisienne. Mais sans doute y-a-t-il déjà trop de luminosité pour Jazzy Bazz, qui déboule dans l’hôtel du 10e arrondissement où il a filé rencard avec ses éternelles petites lunettes teintées. C’est que l’artiste préfère le soir au matin, les néons aux rayons. Un coup d’œil à son C.V., et aux titres évocateurs qui jalonnent ses premiers projets “Sur La Route Du 3.14” et “P-Town”, comme “64 mesures de spleen”, “3h33” ou “Rouler la nuit”, suffit à s’en convaincre. La nuit est au cœur de son oeuvre. À la fois maîtresse, inspiration et source d’un mood auquel le rappeur est sensible.
“La nuit, il y a une petite magie, que tu ne retrouves pas forcément le jour. Prends la même intersection de rue, tu passes du jour à la nuit, et bim, des fois, il y a une atmosphère, une ambiance, une âme. Un truc plus profond. C’est impalpable, insaisissable. C’est une magie. C’est ça qui est attirant et inspirant dans la nuit“, pose Bazz quand on lui soumet cet attrait évident pour le nocturne. Lunettes désormais relevées, il a le regard franc, le sourire facile. Et le phrasé qu’on lui connaît. “Ça a toujours été la trame de fond. Parce que quand tu écris, tu retranscris toujours, surtout dans le rap, un instant T. Je n’écris que la nuit, je ne fais du son que la nuit. Tout se passe toujours la nuit“, poursuit-il. Inspiration revendiquée depuis ses débuts sous le mantra “Paname la night”, elle est désormais plus qu’une sombre toile de fond. La voilà en pleine lumière, avec son nouveau projet. “Nuit”.
“De la mélancolie joyeuse“
On pourrait croire en une suite logique. Après “P-Town”, référence à sa ville, ”Nuit” serait l’exploration du deuxième thème cher à l’artiste, manière pour lui de boucler un cycle inspirationnel. Pour autant, le choix du titre arrive seulement “au milieu de la construction du projet, presque inconsciemment. Ce n’est qu’après quelques sons que j’ai trouvé cette cohérence. Je voulais un titre simple, avec un seul mot, qui donne déjà envie d’écouter l’album, et qui puisse évoquer plein de choses à plein de gens, en fonction de leur parcours, et en l’occurrence quand j’ai trouvé Nuit, de leur rapport à la nuit“. Le titre établi, Bazz tisse son intrigue. Et pousse une construction P-Townesque, “un track au début, un au milieu et un à la fin en référence au titre du projet“, encore plus loin. La tracklist ne fait que suggérer le nocturne, et propose un trip qui démarre avec “Crépuscule”, arrive à mi-parcours à “Minuit”, pour se terminer à “Cinq Heures Du Matin”.
Dans le contenu, c’est du Jazzy Bazz à l’état pur. Le gars qui assurait dès son “64 mesures” que “c’est quand il a le spleen qu’il peut déclencher du style” parle du temps qui passe, des relations à sens uniques ou nuisibles, du sens de la vie, des origines, des soirées d’errance, de nostalgie… “De tristes thèmes“, pour reprendre les lyrics du même titre. Bazz assume. S’il aime la nuit, il la sait accompagnée d’une gamberge infernale. Il dit “être un mec de chansons tristes“, “avoir une sensibilité aux sons mélancoliques“. Il tend vers ces lyrics sombres. Mais voit en sa “Nuit” une nouvelle aurore.
“Je pense qu’il y a toujours une nappe, un fond mélancolique. Il y a toujours cette approche. Mais là, je suis plus en mode verre à moitié plein qu’à moitié vide. C’est la nuit, mais sous les néons“. La gestuelle se fait lente, le regard plus lointain. Semble poindre, à cet instant, la sensibilité de l’artiste, qu’il illustre avec un exemple. “J’aime quand un son est positif, entraînant, mais avec un fond mélancolique. Il y a certaines musiques brésiliennes où il y a un sentiment qui s’appelle saudade. C’est de la mélancolie, affiliée à quelque chose de positif. De la mélancolie joyeuse. C’est pour ça que la bossa nova par exemple, est hyper intéressante. C’est un mélange de tristesse et de joie, parce qu’il y a une balance des deux. J’aime ces musiques où on est sur du festif-dansant, mais avec des paroles ultra-badantes“. La nuit de Jazzy Bazz, une mélancolie joyeuse ?
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“Nuit”, une soirée tout en reliefs
Le rappeur assure qu’il s’agissait-là d’un objectif. “Après P-Town, je voulais plus de relief. Il y avait la volonté que l’album ait plus de couleurs“. Il en énumère les composants, en partant de lui, et de son challenge de varier les flows. On lui donne raison, en pensant au titre “Éternité” où il se démultiplie au côté de son acolyte Nekfeu. Il enchaîne sur la variété instrumentale, impulsée par son proche trio de beatmakers Monomite-Loubenski-Benjamin Benamou. On valide encore, en écoutant l’interlude qui lance le projet, la respiration de “Minuit”, la guitare bossa nova de “Parfum”, les riffs de “Sentiments”, ou le superbe – pas d’autre mot – “Cinq Heures Du Matin”. Enfin, il note “plus de featurings, pour donner de la vie“, avec en guests stars ses coéquipiers de L’Entourage Nekfeu et Alpha Wann, quand les voix féminines de Bonnie Banane et Sabrina Bellaouel cassent la dynamique des beats plus lourds.
En ressortent 12 titres qui créent un ensemble clair/obscur, juste ce qu’il faut “d’à peine plus lumineux” pour convaincre son auteur. Et bon nombre d’auditeurs, à n’en pas douter. Mélancolie entraînante, “Nuit”, apparente promesse d’un projet plus sombre que jamais, se ressent finalement comme une nouvelle lueur dans le parcours de l’artiste inclassable du rap game. Lequel aura donné l’impression d’une danse, alors qu’il nous tourne autour, comme il le suggère dans son titre final. Jusqu’à nous renvoyer à cette cover énigmatique et lumineuse, nouveau contre-pied où il se présente en observateur devant une fenêtre. Face à quoi ? Jazzy Bazz esquisse un dernier sourire. L’obscurité s’annonce au dehors. Il est temps de sortir.
L’album “Nuit” (3.14 Productions/Idol) est d’ores et déjà disponible à l’écoute.
Notez que Jazzy Bazz partira prochainement en tournée avec le 3.14 Band :
17 OCT 2018 LA LUNE DES PIRATES – Amiens
25 OCT 2018 LES TRINITAIRES – Metz
26 OCT 2018 NED – MONtreux (CH)
27 OCT 2018 ZOO – Usine PTr – Geneve (CH)
02 NOV 2018 LE ROCHER DE PALMER – Bordeaux
16 NOV 2018 LA SOUFFLERIE – Nantes
17 NOV 2018 LE METRONUM Toulouse
23 NOV 2018 LE NINKASI Lyon
24 NOV 2018 L’AFFRANCHI Marseille
30 NOV 2018 LE REFLEKTOR Liège (Bel)
06 DEC 2018 LA LAITERIE Strasbourg
07 DEC 2018 LE ROCKSTORE Montpellier
14 DEC 2018 LA GAITE LYRIQUE Paris
19 DEC 2018 L’ETOILE – Lille (Mouvaux)