Pourquoi Donald Trump S'est-Il Attiré Les Foudres De Patagonia ?

La marque l’attaque en justice et rallie de nombreux acteurs à son combat.

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Patagonia a toujours résonné comme une marque proche de la nature et de l’environnement, on connaissait son goût de l’aventure, mais on ne s’attendait peut-être pas à ce qu’elle soit prête à brandir les armes. Effectivement, après l’annonce de Donald Trump clamant qu’il allait amputer deux régions protégées de l’Utah, les acteurs de la marque ont remonté leurs manches.

Le décret de Donald Trump, jugé illégal

Lorsque l’on arrive sur la page d’accueil du site de Patagonia, les bannières défilent et nous présentent habituellement des images de nature, de fonds marins, ou les derniers produits hauts en couleurs de la marque. Aujourd’hui parmi ces bannières, une affirmation écrite blanc sur noir : ” Le président a volé vos terres “.

Donal Trump se prépare en effet à réduire la surface du Bears Ears National Monument de 85% et celle du Grand Staircase-Escalante National Monument de 45%, deux réserves archéologiques protégées de l’Utah. Selon lui, cette décision permettrait de réduire l’ingérance fédérale. “Certaines personnes pensent que les ressources naturelles de l’Utah devraient être contrôlées par une poignée de bureaucrates basés à Washington. Mais devinez quoi. Ils ont tort.”

Ce à quoi la CEO de Patagonia, Rose Marcario, a répondu, s’adressant à l’administration de Donald Trump : ”Un président n’a pas le pouvoir d’abroger un texte concernant un monument national. Tenter d’en modifier les frontières outrepasse le processus légal d’examen des caractéristiques culturelles et historiques ainsi que la contribution du public.

Le cœur du problème

Il semble que Patagonia ne reculera devant rien, si l’on en croit le nombre d’ennemis que la marque a pu se faire au long des dernières années, entre développeurs, acteurs de l’industrie des combustibles fossiles, et législateurs. Alors le fondateur de la marque Yvon Chouinard et Rose Marcario ne sont pas à une personne près, même s’il s’agit du président américain.

Le débat est simple. Le ”Antiquities Act“ de 1906 donnait aux présidents le pouvoir de créer des monuments nationaux. Il ne leur a pas donné le droit de les réduire. “Quel que soit le pouvoir qu’il a donné au président pour créer ces monuments, le Congrès ne lui a jamais donné le pouvoir de les révoquer ou les modifier“, lit-on dans le procès. “Le congrès est la seule autorité à pouvoir entreprendre de tels changements.”

L’équipe juridique de Patagonia a dès lors décidé de passer à l’action et de poursuivre le président en justice.

Une marque engagée qui prend les choses en main

Aujourd’hui, les entreprises doivent avoir un avis sur tout et défendre des causes, du contrôle des armes à feu aux droits des transgenres. Si certaines le font de manière très maladroite, Patagonia n’y va pas de main morte, et ce depuis les années 1970. La marque a su prouver à travers les années un engagement politique marqué. La marque se présente comme “une société militante” et plaide publiquement en faveur de la protection de l’environnement, du commerce équitable et de normes du travail plus strictes.

Revenons en 2013, Patagonia lançait la campagne “Worn Wear” durant le Black Friday, afin d’inciter sa clientèle à acheter ses articles d’occasion, et même à échanger leurs propres vêtements usés contre des bons de réduction. En 2016, elle reversait la totalité du chiffre d’affaires du Black Friday, 10 millions de dollars, à des organismes de protection de l’environnement. Patagonia a ainsi témoigné plus d’une fois son dévouement, sa démarche non-lucrative, et son soutien aux activistes environnementaux. La marque soutient des milliers de militants écologistes, et s’est impliquée corps et âme dans le projet Bears Ears depuis 2012. Mais jusqu’en décembre, Patagonia ne s’était jamais confrontée à un président.

Les équipes de Patagonia ne laisseront donc certainement pas Trump agir, et même, elles semblent déterminées à intervenir à l’encontre de ses mesures. Rose Marcario, CEO de Patagonia, a déclaré : “Nous surveillons de très près les actions de l’administration Trump et nous nous préparons à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des actions en justice, pour défendre nos paysages publics les plus précieux.”

La marque a ensuite invité ses clients à s’engager à ses côtés, rappelant les sources et les différents moyens d’actions à leur portée.

Le ralliement d’autres marques outdoor

Outre Patagonia, nombreuses sont les personnes touchées et en colère face à une telle action, perçue comme un affront. D’autres marques de vêtements outdoor se sont rallié à la cause, comme The North Face, qui déclarait fin 2017 avoir fait un don de 100 000$ à destination du Bears Ears Education center. La marque REI quant à elle, a mis ses followers à contribution, leur demandant d’échanger de photo de profil pour le message ”We Love Our Public Lands”.

Défenseurs et amoureux de la nature en tout genre, randonneurs, pêcheurs, grimpeurs, ont eux aussi témoigné leur colère sur les réseaux sociaux.

Un dénouement en attente

Le procès de Patagonia contre Trump est actuellement bloqué devant les tribunaux. Il a été renforcé avec deux autres cas déposés par des groupes distincts, et le gouvernement a demandé à un juge à Washington de transférer l’affaire à l’Utah. Il n’y a pas de date limite pour cette décision, et jusque-là, toutes les procédures dans l’affaire sont suspendues. Hogan Lovells, le cabinet d’avocat employé par Patagonia, et qui compte 25 avocats travaillant bénévolement sur l’affaire, a facturé 1,7 million de dollars à ce jour sur ce dossier.

En attendant, la zone à l’origine protégée par le Monument National Bears Ears reste disponible pour un usage commercial, comme pour le forage et l’exploitation minière, bien qu’il n’y ait pas encore eu de nouveaux développements.

Du côté de Patagonia, Mme Sheehy, vice-présidente de l’activisme environnemental au sein de l’entreprise, a déclaré qu’ils iraient jusqu’au bout du procès, peu importe le temps que cela prendra. “Cela va être un long combat“, a-t-elle déclaré. “Nous en avons pour 50 ans, peut-être même 100.

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