Les confidences des réalisateurs du documentaire sur les 20 ans de Coachella

Les archives inestimables, l’impact sur la culture musicale… Entretien fleuve avant la sortie du film sur le festival le plus populaire du monde.

Musique Entertainment 

Depuis désormais 20 ans, le festival Coachella (qui a du repoussé son édition à cause du coronavirus) attire des dizaines de milliers de spectateurs chaque année en plein milieu du désert californien, à quelques kilomètres de Los Angeles. Véritable rendez-vous de la pop culture, Coachella est devenu THE place to be au fil des années. Kanye West, Daft Punk, Madonna, Justice, Björk, Rage Against the Machine, Beyoncé, Radiohead, Travis Scott, Dr. Dre, Snoop Dogg, Pearl Jam… les plus grosses légendes de la scène musicale internationale y sont passées pour autant de moments iconiques et de performances live inoubliables. Rendez-vous des stars, donc, mais aussi des influenceurs en tout genre et, bien sûr, d’un public de passionnés toujours plus nombreux, Coachella s’est imposé comme l’un des tout meilleurs, si ce n’est le meilleur festival de musique au monde avec une influence qui transcende jusqu’à bien au-delà du simple univers musical.

Cette année, Coachella fait l’objet d’un documentaire exceptionnel signé YouTube Originals, qui retracera sa riche histoire, de ses débuts chaotiques en 1999 jusqu’à sa consécration deux décennies plus tard. “Coachella: 20 Years in the Desert” promet des images encore jamais vues auparavant, des prises de vues d’un genre nouveau et une rétrospective complète sur un festival qui a fait de la célébration de la diversité son leitmotiv depuis sa création. À l’occasion de sa sortie prévue pour le 31 mars sur YouTube, HYPEBEAST France s’est entretenu avec Raymond Leon Roker et Chris Perkel, respectivement producteur exécutif et directeur du projet. L’influence du festival dans le monde entier, son impact sur la culture musicale, ses archives inestimables, le travail de fourmi pour les décortiquer et bien sûr moult anecdotes, les deux hommes reviennent en long et en large sur l’aventure Coachella. 20 ans d’histoires, de concerts, de souvenirs, de moments magiques, de musique.

HYPEBEAST FRANCE : Coachella fête ses 20 ans d’existence cette année. Selon vous, qu’est-ce que le festival a apporté de concret à la culture et à l’industrie musicale ?

Raymond Leon Roker : C’est une très bonne question. Je pense que le fait d’avoir réalisé ce film est très important. L’idée ne date pas d’hier, on travaille sur ce projet depuis un certain nombre d’années maintenant. On est arrivé à un profond niveau de compréhension de tout ce que représente le festival, les scènes, les artistes qui performent et bien sûr l’évolution de Coachella. Ceci étant dit, je pense que Coachella a laissé une grande empreinte sur la culture musicale et que celle-ci est difficile à renier en termes de moments mythiques sur scène mais aussi sur la culture que les artistes et le festival ont impacté. Et je pense que de par sa nature et du timing de son lancement, en 1999, à un moment charnière où la musique était en train d’évoluer que ce soit via la technologie ou bien stylistiquement et culturellement parlant. Et le fait que ça se passe en Californie, qui a été l’épicentre de tellement de choses ces dernières années, je pense que le festival a vraiment eu l’opportunité de faire partie de la discussion sur la culture musicale. L’émergence du hip-hop et du rap, la croissance de la musique électronique, la globalisation générale de la musique… Tout cela s’est retrouvé, forcément, à un moment sur une des scènes du festival. Coachella se sent d’ailleurs chanceux d’être au centre de toutes ces conversations, cela fait aussi partie de sa volonté de toujours penser à l’avenir, de toujours réfléchir à la culture de la musique au sens large.

Pourquoi avoir attendu cette date anniversaire en particulier pour faire une rétrospective sur l’histoire de Coachella ?

Chris Perkel : On m’a présenté ce projet de documentaire en 2013. Donc cela fait un moment que l’on planche dessus. C’est énormément de travail. On parle de milliers de concerts, il y a tellement de matériel à analyser. Je ne sais pas si l’idée de départ était de sortir un documentaire pour les 20 ans, cela s’est fait naturellement je dirais. Le temps de monter ce projet, d’assembler les pièces, la date anniversaire approchait et donc c’était le bon moment de sortir notre inventaire. Le temps est passé depuis le moment où le festival est né et ce qu’il est devenu aujourd’hui. Et c’est intéressant de voir ce qu’il a reflété sur la musique d’aujourd’hui et sa culture, comme le disait Raymond.

Raymond Leon Roker : Je rajouterai qu’en 2013, on avait déjà le pilote de ce que seraient les grands moments de notre film. En théorie, on aurait même pu sortir quelque chose dès 2015 mais finalement on est très heureux d’avoir eu ces années supplémentaires pour le projet. Mais alors que l’anniversaire des 20 ans se profilait on s’est vraiment dit : “come on, let’s do this”. Le résultat est vraiment poétique et très intéressant. Dans le film tu as cette combinaison de moments intenses qui se sont déroulés sur 20 ans. On aurait manqué la performance de Beyoncé en 2018 par exemple. Et cela donne le ton sur ce qu’il pourrait se passer dans les 5,10, 20 prochaines années.

Quel est le message principal que vous voulez véhiculer avec ce film sur Coachella ?

Chris : Personnellement, ce que j’estime vraiment après avoir vu l’évolution du festival, c’est cette diversité et cette représentation de tous les horizons. Cette perspective qui se reflète aussi bien sur scène que dans le public. C’est la chose qui me frappe le plus. Même en 1999, l’objectif de Coachella était d’être un festival d’un nouveau genre, éclectique et multi-genres, quelque chose qui casserait les codes de l’époque. Et en 1999, la place pour la diversité était tellement plus étroite qu’aujourd’hui que c’était déjà une initiative intéressante de la part de Coachella. Et de voir les progrès réalisés à ce niveau là à travers 20 ans d’archives, c’est incroyable. Le moment de Beyoncé pour moi est un tournant. C’est un climax de Coachella, le témoin de cette évolution. Car c’est une femme noire, reine du hip-hop et de la pop, qui te sort la plus grosse performance de l’histoire du festival. Et c’était peut-être quelque chose d’inconcevable en 1999 car cela ne faisait pas forcément partie de l’éco-système de l’époque. Et de voir le festival grandir et s’étendre, et la culture grandir et s’étendre, cela te donne vraiment un autre regard sur la valeur de cette expansion. C’est très important pour moi.

Raymond : C’est le but même de Coachella. Que les personnes perdent leurs frontières tribales, si on peut dire ça comme ça. Et Coachella a joué un rôle dans le fait d’amener la conversation vers plus de diversité, plus de mixité de genre… Il y a 5, 6 ans, mes intentions étaient d’honorer l’histoire de Coachella, dont j’étais un étudiant enthousiaste, et un témoin aussi. C’était également un plaisir un peu égoïste de ma part de me prendre pour un genre d’Indiana Jones et d’explorer les trésors enfouis des archives de Coachella et les révéler au grand jour. De voir ce qu’il s’est réellement passé pendant la performance de Daft Punk ou encore ce qu’ils avaient fait avec l’hologramme de Tupac, ces moments ont été monumentaux dans la fondation de ma culture musicale et sûrement celle des autres aussi. Au fil du temps, les gens se sont retrouvés reflétés par ce qu’il se passait dans le festival. Cela va bien au-delà de la musique. Dans nos esprits, il fallait s’assurer de retranscrire cet esprit bien particulier dans le film et de manière honnête. Nous ne voulions pas “whitewashé” l’histoire ou mal représenter les apports du festival dans ces conversations là.

Photos Travis Scott Coachella

Combien d’heures d’archives et d’enregistrements avez-vous passé en revue pour établir votre sélection ? On imagine qu’il y a dû avoir certains moments remarquables dont vous avez dû vous passer…

Chris : C’est incalculable ! Nous avions un gars dont le boulot consistait uniquement à regarder tous les enregistrements disponibles. C’était son seul travail et cela lui a pris une bonne année pour en venir à bout. Et il s’agissait d’ailleurs uniquement de footages qui n’étaient pas encore organisés ni labellisés. Une grosse partie de notre travail éditorial consistait à dégager une trame narrative à partir de toutes ces heures d’enregistrements. Il fallait trouver le juste équilibre entre tous ces moments légendaires et les moments qui serviraient notre histoire, celle de Coachella. Je pense par exemple à Amy Winehouse et son entrée sur scène en 2007 où elle a interagi avec Danny Devito. Cela m’a paru être un bon exemple de ce à quoi le festival pouvait ressembler, de manière authentique.

Raymond : Et l’humilité dont Amy a fait preuve durant sa performance, ce qui n’est pas quelque chose qui aurait pu marquer les mémoires à moins d’en revoir les images. Avec ces archives, tu as vraiment une mise en lumière d’elle en tant que performeuse et artiste. Ce qui est rare. C’est quelque chose qui nous a marqué directement en revoyant ça et on a su tout de suite qu’elle ferait partie de la shortlist de notre film et des iconiques performances du festival.

Choisir entre tous ces moments emblématiques a dû être un vrai casse-tête…

Raymond : Choisir était sans aucun doute la chose la plus difficile à réaliser. Il y a tellement de moments que l’on aurait pu inclure, des moments qui à eux seuls mériteraient même peut-être un documentaire. Je suis sûr qu’il y aura des fans qui seront mécontents de ne pas voir tel ou tel artiste, telle ou telle performance dans le film. Mais on ne pouvait évidemment pas tout inclure en 100 minutes. On a quand même l’impression d’avoir réalisé une formidable compilation et je suis sûr qu’il y aura d’autres projets de ce genre dans le futur où seront inclus d’autres moments mémorables.

À ce propos, d’où proviennent toutes ces heures d’archives ?

Chris : Elles viennent d’une variété de sources. Initialement, la première année, Coachella avait investi et engagé un vidéaste, Drew Thomas, en lui demandant de faire un premier film. Quelque part ils savaient déjà que l’évènement serait quelque chose dans un futur proche et ne voulaient pas manquer cette opportunité de filmer l’évènement. Les archives sont nées ainsi et cela a continué pendant un certain nombre d’années. Il y avait aussi les caméras installées comme dans tous les festivals. Mais les archives et les différents angles de caméras sur les concerts, le public etc, c’est vraiment le festival qui les a réalisés sans savoir ce qu’il en ferait par la suite. Simplement dans un souci de garder une trace de ce qu’il se passait là-bas. Ils pensaient que cela pourrait servir un jour. Puis il y a eu ce film qui est sorti en 2006, qui était le premier documentaire sur la genèse de Coachella, réalisé par Drew Thomas. Il y a eu l’arrivée du live streaming, ensuite, ou encore de YouTube, donc il y avait de plus en plus d’archives. Pour autant, c’est vraiment un miracle que tout ait survécu, que tout ait été bien gardé et protégé durant deux décennies. Que personne ne se soit dit ‘allez on se débarrasse de ça‘. Pas seulement pour notre projet, mais je trouve ça très important que tout le monde ait pris soin de ces archives. C’est de l’Histoire.

Raymond : Et surtout en bonne qualité ! Et aussi il faut souligner une fois de plus le travail de Drew et de son côté éditorial. De savoir que quand Björk jouait sur la main stage, il fallait également filmer The Rapture qui jouait au même moment sur une scène plus modeste, par exemple. Son intérêt et sa sensibilité pour la musique en général ont vraiment permis d’avoir des archives incommensurables de tout genres. J’avais peur également au début que quelques-unes des performances les plus importantes n’aient pas été enregistrées. Parmi elles, Daft Punk et Madonna. Les deux ont joué la même année, le même weekend… Ce sont deux moments légendaires et pourtant aucun des deux n’étaient techniquement supposés être filmés. Il n’y avait pas d’écrans Imax près de la scène et il n’était pas prévu d’enregistrer ces performances. Mais Drew et son équipe ont installé les caméras quand même et grâce à ça on a les images.

Chris : Mais on a dû creuser un peu pour les retrouver. On doit être parmi les quelques personnes au monde à avoir pu jeter un œil sur ces trucs là ! Après l’enregistrement, c’est parti directement dans les archives pendant presque 10 ans sans que personne ne s’y intéresse. Pendant des années, le concert de Daft Punk n’était visible que sur YouTube via des vidéos de fans assemblées. Et de se dire qu’on était à une époque pre-iPhone rend la chose encore plus intéressante. Avec le film, ce sera vraiment la première fois qu’on pourra revivre ce moment filmé de manière “professionnelle”. C’est vraiment la chose la plus excitante de ce projet : donner vie à tous ces moments pour la première fois.

Photos Travis Scott Coachella

Cela devait être incroyable de revenir sur toutes ces années d’histoire du festival. Tous ces moments légendaires dont certains ont pu tomber dans l’oubli. Qu’est-ce que vous retiendrez de tout ça ?

Raymond : Je pense que dans un certain sens, chaque personne qui est devenue fan du festival et qui a un moment marquant dans son esprit, a toujours pensé que Coachella était important. Que ce soit personnellement ou bien en pensant au contexte musical du tout. Le fait de ressentir l’importance du moment. Le film donne l’opportunité de revenir en arrière et, je pense, souligner l’importance de ces moments en les mettant en perspective avec notre monde actuel. C’est vraiment un bout d’histoire que nous avons compilé. Il y a assez de témoignages sur une échelle temporelle importante pour en prendre vraiment la mesure. Daft Punk a vraiment signifié quelque chose en 2006. Tupac pareil en 2012, and so on… C’est une validation. Et ce n’est même pas pour jeter des fleurs à Coachella. Cela vient vraiment d’un profond lien et admiration avec la musique et sa culture. Le fait d’avoir été si chanceux de prendre part à un festival qui a joué un si grand rôle pour le développement de cette culture, c’est un privilège. Et je pense que le festival continuera à être un sincère reflet de sa musique et de la culture.

Chris : J’ai l’impression, qu’en tant que vidéaste, la qualité des enregistrements à notre disposition n’est pas quelque chose à prendre à la légère. L’idée que Coachella soit un instantané de ce qu’il se passe dans la pop culture à n’importe quelle année, et que nous avons pu le toucher du doigt, c’est un privilège, je rejoins Raymond.

Après avoir revécu l’intégralité du festival Coachella et de sa riche histoire, celui-ci mérite-t-il sa réputation de meilleur festival au monde selon vous ?

Chris : Je ne peux pas vraiment comparer car je ne les ai pas tous faits évidemment. Mais ce que je peux dire c’est que Coachella est incroyablement organisé, clairement dirigé par des gens qui aiment et veulent le meilleur pour la musique. Coachella a été sans aucun doute la plateforme privilégiée de toutes ces performances extraordinaires ces 20 dernières années. Par rapport aux autres, je dirais que Coachella a une occurrence culturelle. Il y a une signification qui va bien au-delà de la musique elle-même.

Raymond : Je vais oser faire un parallèle avec le carnaval au Brésil. J’en reviens et je trouve qu’il n’y pas d’autres événements comparables sur la planète. J’ai voyagé et visité plusieurs endroits du monde, et je n’imagine pas quelque chose d’aussi culturel, rythmé, coloré, important et d’une telle ampleur, que le carnaval au Brésil sur la planète. C’est vraiment quelque chose. Et on retrouve un peu de ça avec Coachella. L’importance annuelle de Coachella est difficile à égaler sur le plan de l’impact sur la culture. En plus d’autres choses que Coachella a la chance d’avoir pour lui comme sa localisation folle dans le désert, le temps, le timing, le cross avec le monde de la mode, l’attention apportée aux fans… C’est une expérience grandiose. Et c’est aussi pourquoi les plus gros artistes et le public répondent présents chaque année. C’est un éco-système qui lui est propre et qui vit également tout au long de l’année indépendamment du festival. Les artistes y pensent aussi et une apparition à Coachella correspond souvent avec le lancement d’un nouvel album, d’un nouveau son, et ils mettent vraiment du cœur pendant leur concert.

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