Dans les ateliers chaussures et sneakers de Louis Vuitton

“Si vous passez derrière cette porte, on devra tous vous empoisonner”. Fabrizio Viti sourit en lançant ces quelques mots, sans trop sourire non plus. Parce que là, juste derrière ses “va bene” qu’il laisse trainer sur quelques mètres, se trouvent les toutes prochaines chaussures imaginées par Louis Vuitton pour son défilé Femme de la Fashion Week de Paris qui se tiendra une petite semaine plus tard. Nous sommes mi-septembre 2019 et dans quelques jours Nicolas Ghesquière présentera au monde de la mode ce sur quoi il a travaillé, alors Fabrizio veille au grain. Tout comme il tient à recadrer notre acolyte du jour, Sean Whotherspoon, lui aussi du voyage avec nous à Fiesso D’Artico dans l’antre de la fabrication des chaussures de Louis Vuitton. “Non nous ne faisons pas comme tout le monde, tout est fait ici, pas ailleurs“. D’accordo.

Ici c’est la Manufacture de souliers de Louis Vuitton. Situé à quelques kilomètres de Venise, sur la terre ferme, ce bâtiment en béton, une “magical shoe box” depuis laquelle vous ne pouvez rien voir de l’extérieur, renferme les secrets les mieux gardés de la Maison française. Une enceinte de concrete où Virgil Abloh, l’autre designer de la griffe, fait aussi assembler ses futures sneakers. Au centre, un patio offre une ouverture vers le ciel, un escarpin géant de 4,7 mètres et réalisé à partir de 600 casseroles par l’artiste Joana Vasconcelos éventre la pelouse. Adossée à une des portes en verre qui entourent le rectangle d’herbe verte, une jeune femme fume une cigarette. Elle l’écrase et disparait derrière les larges baies vitrées encerclant l’ensemble du jardin. L’édifice, qui de l’extérieur paraît bunker, est en réalité un havre de paix laissant entrer la lumière d’une journée grise. Les 14 000 mètres carrés des ateliers puisent leur Vitamine C ici. À l’entrée, Andy Warhol et 16 de ses sketches jouent les portiers. Des dessins du maitre du pop-art, qui revisite des proverbes en y insérant le mot “shoe”, sont exposés non loin d’un petit musée dédié aux chaussures et archives LV. “To shoe or not to shoe” se questionne celui qu’on surnommait Drella, contraction de Dracula et Cinderella – Cendrillon. Mais où est donc la pantoufle de verre ?

Peut-être dans l’atelier de Gigi, qui façonne les moules à chaussures depuis plus de 40 ans et qui a rejoint Vuitton il y a 2 ans. Contrôle des volumes, fabrication d’un moule en 3D, peaufinage des ajustements au laser… “C’est plus difficile que de faire une voiture !”, lance celui qui tous les 2,5mm doit confectionner un nouveau moule. Le garage de Gigi sent bon le bois et chacune de ses Formule 1 est rangée à sa place sur un mur. Toutes numérotées et annotées, elles serviront de patron aux petites mains qui découperont ensuite les empiècements de cuir et de toile. Quelques centimètres de peau qui seront ajustés sur la dernière Runaway Now Yours, sneaker LV à personnaliser. Orange, jaune, violet… tout autant de couleurs qui viendront pimenter la silhouette. Une palette de nuances que Virgil Abloh a lui aussi décidé de flanquer à sa Trainer mais en version LED.

Si plusieurs modèles trainent sur la chaine d’assemblage, impossible de rester plus longtemps pour connaitre les secrets de l’installation de cette technologie dans la sneaker. Nous quittons la salle au pas de course en laissant derrière nous la pantoufle de LED, en pensant que Dracula et Cendrillon porteraient sans doute des sneakers en 2020. Avec Nicolas Ghesquière et Virgil Abloh pour trouver shoe-ssure à leur pied.



Credits
Photographer
Pa Mulier
Editor
Hanadi Mostefa
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