Off-White™ x Nike, Balenciaga, ALYX... La mode s'est-elle emparée de la running culture ?

La mode a épousé la foulée du running, et semble tenir la distance.

Footwear Mode 

Le sport, au même titre que la mode, partage un langage qui vise à unir les cultures, à casser les barrières et à célébrer la force de l’esprit humain“. C’est par ces mots que Virgil Abloh introduisait son défilé Femme pour la collection Off-White™ Printemps-Été 2019 en collaboration avec Nike, intitulé “Track & Field”. Si les influences du sport ne sont pas nouvelles dans le travail du directeur artistique de l’Homme chez Louis Vuitton, c’est la première fois que le designer axe tout un défilé autour de l’athlétisme, allant jusqu’à emprunter des athlètes au tartan des pistes comme Dina Asher-Smith, Caterine Ibargüen ou la Française Renelle Lamote, spécialiste du 800m. Cette grande première nous pousse à regarder en arrière et à mettre en gras cette tendance, car l’industrie de la mode n’a que trop souvent suivi la foulée du running ces derniers temps. Calant sa respiration sur celle de la course à pied, la mode s’est offert un nouveau souffle comme en témoignent de nombreux labels qui ont puisé dans ses codes au cours des derniers mois. Broken Arm et AVNIER avec Salomon, ASICS avec Kiko Kostadinov, Balenciaga avec ses Track Sneakers ou encore ALYX avec Nike, la mode n’a jamais autant couru, et encore moins à une telle cadence.

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : CONVOY

La question évoquée dans le titre raisonne ainsi encore plus fort : la mode s’est-elle emparée de la running culture ? Pour répondre à cette question complexe nous avons rencontré l’athlète française Renelle Lamote de passage à l’évènement “Excès de Vitesse” de Ladji Doucouré, Jay Smith, fondateur d’un des premiers clubs de running parisiens le Paris Running Club et co-fondateur de BLACKRAINBOW ainsi que Nordine Bentaleb de Convoy, l’agence hybride à mi-chemin entre le studio créatif et l’agence de pub derrière le défilé “Track & Field” de Virgil Abloh. Du show Off-White™ en passant par l’influence du sport et du sportswear dans la mode jusqu’à la réelle place de la running culture dans l’industrie, cet éditorial explore les frontières poreuses entre deux mondes qui n’ont l’air de ne faire qu’un depuis quelque temps.

“Track & Field” by Nike x Off-White : Entre tartan et tapis rouge

Comme souvent quand deux univers s’apprêtent à s’entrechoquer de manière inattendue, de nombreuses interrogations se posent. Après l’annonce de son show SS19, les connaisseurs du tartan se sont questionnés sur la légitimité de Virgil Abloh et sur sa capacité à rendre une copie qui ferait honneur à l’athlétisme. Mais après ce défilé, il n’y avait que très peu de choses à redire et pour cause, un travail de longue haleine avait été abattu. Et c’est là, derrière ce nuage de louanges qu’on pouvait trouver Convoy : “Comme Virgil Abloh collaborait déjà avec Nike et avait déjà fait des paires de running, l’idée était d’amener un univers Track & Field avec comme inspiration le stade Hayward Field situé à Eugene en Oregon. On a voulu reprendre tous les codes Track & Field et pas seulement running en explorant le triple saut, le saut en hauteur, la longueur… On a pas mal puisé dans des références d’époque mais aussi modernes et contemporaines avec les brassards, dossards ou d’autres détails.” Les détails. Comme de nombreux sportifs le déclarent à la fin de leurs exploits “ce sont les détails qui font la différence”. Avec ces notions en tête, Convoy s’est attelé à la tâche en apportant sa patte : “L’idée était aussi de faire des recherches sur le running et de rendre le vintage contemporain et urbain. On a passé en revue énormément de dossards comme ceux du marathon de Chicago qui sont toujours intéressants. On a fait un petit mélange de pas mal de choses et c’est ce qu’on a amené sur le défilé.”

Et si un œil peut y voir des références justes et bien senties, le regard de Jay Smith est plus contrasté sur le défilé : “J’ai pensé que c’était l’anti-exemple de la running culture dans la mode. Ça ressemble à de la running culture, ça a le goût de la running culture, mais ça n’a rien de running culture. On a tout le décorum et la direction artistique et on s’en sert, ça je comprends. On a les chronomètres, les athlètes mais les références même… à part les collants qui peuvent aussi être des références éloignées à n’importe quel sport comme le fitness. Pour moi c’est l’anti-thèse de la running culture. Ça peut être du running marketing mais à aucun moment j’ai pu voir une vraie influence profonde d’une culture sur une autre. Pour moi il y a une inspiration, mais c’est tout. C’est comme la différence entre le Coca Rouge et le Coca Light. Ça a le goût de, mais c’est pas ça.” Mais comme pour le Coca Rouge et le Coca Light, les goûts et les couleurs ne se discutent pas.

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : Mandy Kan/HYPEBEAST

Validé par les athlètes, le show devait aussi répondre à une donnée mode que Convoy s’est efforcé de prendre en compte, de manière assez naturelle comme l’affirme Nordine : “Ayant grandi en banlieue, j’ai passé tous mes étés à jouer au foot, au basket, au ping-pong… donc j’ai une grosse culture sport mais j’ai aussi monté une équipe avec des DA et des graphistes qui s’y connaissaient en terme de sport. L’idée était d’avoir des gens qui comprennent l’univers du sport mais qui arrivent à transposer leur culture dans une esthétique mode et street.” Le sport et la mode. Loin d’être un mariage naissant, l’union semble s’inscrire dans la durée comme en témoignent les propos du D.A. Mais quelles sont les interactions entre les deux mondes ? Sont-elles superficielles ou plus profondes ? Quel est l’avenir de cette union ?

La mode et le sport, une relation qui transpire l’idylle

À voir les Fashion Week s’enchaîner et les silhouettes de plus en plus imprégnées de vêtements fonctionnels tout droit venus du sportswear, la fusion est évidente. Les frontières entre mode et sport n’existent plus vraiment et les deux mondes cohabitent par le biais de différents sports. En ce qui concerne le running, Jay Smith se questionne : “Mais est-ce qu’il y a vraiment un pont entre running culture et mode ? La base de tout ça, c’est que le sport est devenu une des inspirations principales du luxe, et de la mode. Ensuite, il n’y pas des milliards de sports. Il y a la famille élargie du running avec le trail, le trekking, l’athlétisme… mais est-ce que ça en fait réellement partie ? Il y a les sports de combat avec la boxe, les arts martiaux etc… et le foot. Après il y a les sports américains comme le basket, le baseball, le foot US et le hockey et c’est tout. La question à se poser c’est, est-ce qu’on a assez d’exemples différents pour parler concrètement de pont ?” 

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : Mandy Kan/HYPEBEAST

L’interrogation est claire et le doute réel. Si la mode a intégré la famille élargie du sport depuis bien longtemps et si Gosha, Supreme ou Vetements empruntent les codes des plus populaires d’entre eux, la question semble systématiquement revenir au niveau du running. Nordine de CONVOY y voit lui, un chemin naturel qui s’inscrit dans un cercle vertueux où le bien-être a une grande part de responsabilité : “Je pense que le parallèle entre la mode, le sport et plus particulièrement le running va encore se développer. Parce qu’aujourd’hui l’Homme veut s’évader de sa routine oppressante, du système capitaliste, du travail… et le running fait partie des moyens qui permettent de s’évader et de se sentir bien dans sa peau et dans sa tête. Je pense aussi que cette tendance va s’étendre à d’autres sports comme cette mode du trekking, de l’escalade… Le running s’inscrit dans la culture et la mode c’est la culture donc tout est lié. Je pense que la tendance va s’amplifier.

Sa popularité quant à elle, n’est plus à questionner et c’est ainsi que Renelle Lamote s’exprime sur une facette de son sport : “Moi je trouve ça cool. Le running c’est un moment où on peut se retrouver entre copines. C’est comme ça qu’a commencé l’athlé au haut niveau pour moi. Il y a un aspect social dans l’athlé qui est plutôt cool. Je trouve ça super que le running s’émancipe et devienne aussi populaire à travers le monde. Maintenant c’est même branché de courir je crois. Si tu es vegan et que tu cours, tu es à fond dans la tendance (rires).” Imbibée de second degré pour lequel l’athlète est connue, cette dernière remarque reflète aussi une réelle tendance qui recentre le bien-être et la conscience de soi au cœur du style de vie des gens. En se questionnant sur l’insertion de vêtements running dans le lifestyle de monsieur-tout-le-monde, l’athlète de 24 ans ajoute même : “Je ne sais pas vraiment comment le running s’est immiscé dans la mode et dans la vie de tous les jours mais je pense que la mode du bien-être et de la santé y est pour quelque chose. Le fait de porter des baskets au quotidien revendique aussi un certain lifestyle.” Un lifestyle fonctionnel que les marques se sont empressées d’exploiter.

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : Kim Weston Arnold/INDIGITAL.TV

Inspirées de leurs vêtements performances, nombreuses sont les gammes de produits dérivés destinées à la vie de tous les jours et si la runneuse portait déjà ses running en dehors de ses entrainements, elle confirme ce changement : “C’est vrai que je me souviens que je mettais mes runnings avec mes vêtements de tous les jours pour aller au lycée. Je ne saurais pas trop l’expliquer mais les marques ont réussi à développer des pièces vraiment cools. Nike a fait des collections d’inspirations running qui étaient vraiment bien.” Cette volonté des marques de sport de rentrer dans le quotidien des gens et d’exister bien au-delà des heures d’entrainement est évoquée par Jay Smith. Le captain du PRC prend le dernier défilé de Virgil Abloh en exemple : “C’est aussi la volonté des marques de s’infiltrer dans la mode. Si aujourd’hui Broken Arm fait une collab avec Salomon, c’est parce que tu sais que chez Broken Arm il y a des gens qui ont découvert le running au Paris Running Club et qui ont envie de travailler sur le running avec une marque authentique. Ce sont des gens qui courent régulièrement et qui font des trails et là on peut parler de running culture.”

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : The Broken Arm

Fort de sens, le mot culture a ici une importance fondamentale et avant d’évoquer la culture du running, le co-fondateur de BKRW souligne l’aspect marketing qu’il érige même comme moteur de la collab entre Nike et Virgil : “Je sens plus la volonté de Nike d’être transversal et Virgil bien content d’avoir une source d’inspiration plus que l’intention de Virgil d’aller vers la running culture… Ce qui m’embête dans la collaboration avec Virgil, ce n’est pas qu’il n’y ait pas de culture, c’est qu’on sait bien que pour Virgil, on sait que c’est la volonté de Nike de devenir transversal car ça raconte une histoire marketing intéressante et que le buzz est au rendez-vous. Avec les athlètes et les produits détournés, on a une source d’inspiration continuelle.”

Mode x Running, mais où est la culture dans tout ça ?

Mode x Running. À l’ère des collabs, ce “x” qui lie ces deux mondes pourrait-il en fin de compte les séparer ? Lors de “Track & Field” par Virgil Abloh, Renelle Lamote a vécu l’expérience de l’intérieur et a vu les deux mondes rentrer en collision, pour ne faire qu’un, le temps d’un catwalk qu’elle nous raconte : “Franchement c’était hyper stressant, encore plus stressant qu’une course. On m’avait dit qu’il y aurait peut-être Kanye West, Neymar ou David Guetta dans le public donc j’avais encore plus la pression qu’avant une course. Mais ensuite je me suis dit que je n’étais pas mannequin donc ce n’est pas grave. Arrivée là-bas on me donne des vêtements, on me fait passer dans les studios pour faire les essayages et j’aperçois Bella Hadid et Kendall Jenner, je n’étais pas prête. J’ai rien compris (rires). Ce n’est pas du tout mon univers donc j’étais assez impressionnée, il fallait être prête et je ne l’étais pas du tout.” À travers son expérience humaine et certainement son apparition sur piste la plus lente de sa carrière, Renelle nous montre que les deux mondes ont bien coexisté et que l’échange a bien eu lieu, mais où était la culture dans tout ça ?

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : Mandy Kan/HYPEBEAST

En comparant plusieurs collabs, on se rend compte que même dans les influences il y a des nuances comme le souligne Jay Smith : “Maintenant entre Broken Arm x Salomon et Nike x Off-White™, je dirais qu’il y a une collab très culture et une autre très fashion. Tu pourras courir un trail avec la paire Salomon alors qu’avec celle de Virgil je doute que tu puisses faire ta séance sur piste. Tu pourras sûrement courir avec ses leggings mais c’est tout. (…) C’est intéressant d’étudier les courants qui ont marqué la sneaker culture plus que la mode. Est-ce que le lycra, les running tights ou les leggings n’appartiennent pas plus à la fitness culture qu’à la running culture ? Par contre, on peut le féliciter car tout était juste. Les athlètes, la direction artistique, les idées, le clin d’œil au Kenya, les dossards en guise d’invitation… Mais quand tu regardes les autres défilés, c’est comme un cheveu sur la soupe. C’est vrai que Balenciaga est un bon exemple de ces influences même si je trouve que pour eux c’est plus une influence trail et pour moi quand on parle de trail, on est sur la famille élargie de la running culture, pas sur du running pur. Je suis un peu partagé sur le mot ‘running culture’. Le défilé est juste, sans faute. C’est un des plus acclamés dans le milieu sport/hype. Mais j’ai l’impression qu’en ce moment, tout ce que fait Virgil est acclamé.”

Photo du défilé Off-White™ x Nike

Crédit photo : Mandy Kan/HYPEBEAST

Les exemples concrets laissent encore planer le doute quant à la dimension culturelle du running dans les inspirations de la mode, cependant il est tout de même impossible de nier que la course à pied est aujourd’hui bien installée sur les catwalks les plus prestigieux. Si cette tendance paraît bel et bien lancée, combien de kilomètres l’industrie de la mode va t’elle encore parcourir au pas de course ? Des silhouettes légères et élancées, des collants longilignes, des sneakers solides et dynamiques prouvent la vigueur du mouvement mais tout athlète finit par s’essouffler au bout d’un moment. La seule question est quand ?

 

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