Nike, adidas, Puma... Les Équipementiers Du Football Sont-Ils Impliqués Dans Le Mercato ?

Dans la foulée de la fermeture du marché estival, réponse à une question qui revient désormais, et avec toujours plus d’insistance, à chaque nouvelle fenêtre de transferts.

Vieux-Port de Marseille, le 4 juillet dernier. L’OM et Puma présentent leurs maillots pour l’exercice 2018/2019, première étape d’une collaboration qui portera sur 5 saisons. La fête bat son plein, les animations sont réussies, de la journée jusque tard dans la nuit à l’issue d’un véritable show pyrotechnique. Les spectateurs auraient de quoi être comblés. Pour autant, tout du long, ils semblent dans l’expectative. Ils attendent celui qu’ils imaginent comme l’invité d’honneur. L’objet présumé de tous ces teasings émanant du club comme du sponsor depuis quelques jours. Mario Balotelli. On le dit alors tout proche de la cité phocéenne. Parce que Marseille veut un attaquant, le joueur un autre challenge, que l’intérêt est mutuel et les contacts établis. Et surtout, parce que Super Mario est une égérie Puma. L’occasion d’associer deux clients serait trop belle, la marque au félin est désignée comme l’instigatrice du transfert. Alors pour les badauds comme pour les spécialistes du ballon rond présents ce 4 juillet à Marseille, cela ne fait aucun doute : la présentation des tuniques s’accompagnera de celle du nouveau renfort olympien. On le cherche du regard, dans tous les recoins de la Canebière. Mais voilà, Mario Balotelli ne viendra pas. Ni ce jour de juillet, ni le reste de l’été.

Si l’opération ne s’est pas matérialisée, l’attente suscitée par l’événement marseillais est symptomatique d’un ressenti général désormais récurrent à chaque mercato : les équipementiers, adidas, Nike et Puma en tête, seraient impliqués dans le marché des transferts. Et par implication, est sous-entendu qu’ils pousseraient leurs clients sponsorisés vers les clubs qu’ils équipent, ou a contrario, exigeraient des clubs les signatures de joueurs de leur giron. Alors, vrai, faux ? Les partisans du non pointeront l’échec du transfert de Balotelli, et les démentis du DG de Puma. Pourront étayer avec le cas Cristiano Ronaldo, égérie de Nike partie cet été à la Juventus sponsorisée par adidas. Ou arguer – à raison – que la démarche est illégale, les marques n’ayant pas autorité pour gérer la politique sportive d’un club. Mais leurs opposants diront que les Nike, adidas & co possèdent l’intérêt, comme les moyens d’intervenir dans le mercato. Tentative de démêlage avec trois spécialistes du sujet.

 

Photo Mario Balotelli

 

Une influence avérée…

 

Évidemment que pour une marque, c’est bien de voir arriver dans le club qu’on équipe un joueur sponsorisé. Avoir ta tête de gondole qui joue dans ton club, ça facilite ton activation. Nike, avec le PSG, peut mettre en avant Cavani, Neymar et Mbappé ensemble, c’est une photo qui peut directement apparaître comme une publicité pour Nike, et ils peuvent ainsi mettre en avant leurs produits“, confirme d’emblée Christophe Quiquandon, fondateur et président de la Bros. Agency, qui compte quinze années d’expérience chez Nike, notamment en tant que directeur de la branche football française. Mohamed Bouhafsi, rédacteur en chef du Pôle Football du groupe Next Radio (RMC, BFM TV, SFR Sport), abonde dans ce sens. “Quand on voit que Puma préfère mettre en égérie Rami plutôt que Thauvin ou Payet qui sont chez les concurrents, ça montre que le plus important est que le joueur soit chez eux, plutôt qu’important dans son club“, explique-t-il. C’est évident, les marques ont un intérêt d’image et de marketing à voir athlètes et clubs se fondre sous leur griffe. Et par les rapports permanents qu’elles entretiennent avec eux, détiennent en effet des moyens pour les réunir.

Aucun de nos intervenants ne nie des “contacts privilégiés“. Mais ils tiennent tous à les nuancer. Plutôt que de pouvoir, l’économiste du sport et spécialiste du ballon rond Pierre Rondeau préfère ainsi parler d’influence. “Dans la mesure où un club résonne aussi avec ses sponsors, qui constituent une grosse partie de son budget, qu’eux-mêmes ont des entrées officieuses au sein des clubs et des directions, et qu’ils côtoient tous les mêmes milieux… Eh bien sans forcément gérer directement la direction sportive, les équipementiers peuvent faire passer le message. Il n’y a pas d’abus, ni de décision. Les équipementiers n’imposent pas des joueurs. Mais ils ont une influence. Untel va transmettre à un collaborateur un numéro de téléphone, donner accès à un carnet d’adresse, à un agent. Donc ça va tisser un réseau de relations qui vont aboutir vers le joueur. C’est une influence indirecte, sous-jacente, tacite, officieuse“. Qui dans ce cas, peut déboucher sur de l’apparent concret. Mais de l’apparent seulement. “Si tout se goupille bien, qu’il y a une proximité entre des gens qui travaillent bien ensemble, et qu’une personne de chez Puma ou adidas peut mettre de l’huile dans les rouages, elle peut le faire“, poursuit Christophe Quiquandon. Mais pour ce qui est d’une décision finale ou d’une éventuelle exigence stipulée à un intervenant, “c’est non“.

 

Photo Mario Balotelli

 

… mais un pouvoir surestimé

 

Christophe Quiquandon parle de “mythe“, Mohamed Bouhafsi de “gros cliché“, Pierre Rondeau de “fantasme“, pour qualifier l’hypothèse qui voudrait qu’une marque décide de la signature d’un joueur. Pour les deux premiers nommés, on surestime tout simplement la marge de manœuvre financière des marques devant les enjeux, autrement plus importants, qui motivent les clubs à un recrutement. “C’est juste un avantage sur de la communication, de la publicité, un peu d’argent. Mais ça ne change absolument rien à ce que les clubs peuvent donner“, assure Mohamed Bouhafsi, lequel minimise également la puissance du discours d’une marque auprès de ses clients individuels. Christophe Quiquandon est du même avis.

Je caricature un petit peu, mais le montant du contrat annuel de Nike au PSG, c’est le prix du deuxième arrière gauche. De même que le contrat de Neymar chez Nike, à l’année, représente un petit mois de salaire de ce qu’il perçoit du PSG. C’est un monde idéal pour tout le monde, mais jamais un équipementier n’a fait pression ou débloqué un dossier pour qu’untel aille jouer quelque part. On est sur des montants qui dépassent largement la responsabilité des équipementiers“, estime-t-il. Pierre Rondeau rappelle lui la législation. Mais dit aussi “comprendre que les gens aient envie d’y croire” au vu des montants mirobolants du football. Ceux-là même qui poussent ces rumeurs marques/mercato toujours plus loin, jusqu’à évoquer, par exemple, le montage financier d’un équipementier avec un club sous pavillon concurrent dans le but de programmer une entente future. Ce type “d’énormités” inhérentes au mercato, pour reprendre le terme de Christophe Quiquandon. Mais l’économiste dresse lui des scénarios qui pourraient en effet conduire à de telles manœuvres à l’avenir. Et ce, dans une absolue légalité.

 

Photo Mario Balotelli

 

Un futur tout autre, sur la voie de la libéralisation ?

 

S’il est donc faux de dire qu’à l’heure actuelle un joueur ne peut rejoindre un club sponsorisé par un équipementier concurrent, Pierre Rondeau voit en la libéralisation galopante du football la possibilité de construire un tout autre monde. “Il y a le scénario de la libéralisation, et celui de la régulation. Dans le premier cas, oui, on peut tout à fait imaginer que ça devienne très compliqué pour un joueur, attaché à une marque, de signer dans un club qui n’est pas équipé par cette marque. Aujourd’hui, le droit fait la distinction entre le sponsor équipe et le sponsor individuel, donc pas de souci. Mais si on tend vers la libéralisation, on autoriserait les marques à s’accaparer des politiques de clubs“, explique-t-il. Mohamed Bouhafsi imagine que dans telle hypothèse, “peut-être que Puma voudra se payer une big star Puma à Marseille, ou adidas une big star adidas à Lyon“. Mais pour Pierre Rondeau, cela pourrait aller plus loin.

“L’économie du football aujourd’hui, c’est une croissance exponentielle essentiellement tournée vers les clubs les plus riches. Tout le monde ne profite pas de la croissance : ce sont uniquement les plus chanceux, les plus riches qui en profitent – ce qu’entretient le fair-play financier. Face à cette hyper croissance d’une économie extrêmement incertaine, les clubs sont désireux de multiplier les revenus commerciaux, et pour ce faire, devraient passer par la mise à disposition de leurs directions auprès des marques. On peut imaginer une totale privatisation, et donc un ‘Microsoft Real Madrid’ ou un ‘Fly Emirates PSG’ avec des directions en partie gérées par la marque, laquelle poserait des impératifs marketing, avant d’imposer des impératifs sportifs. C’est un scénario possible. Et le scénario ultime, où on aurait une telle disparité budgétaire et financière entre les clubs de football, voudrait qu’on crée un championnat aux matchs hebdomadaires avec les 20 meilleurs clubs européens les plus riches, où chacun se serait fait accaparer par une marque. Ces 20 clubs se partageraient les meilleurs joueurs, et l’argent du football européen. Avec des adidas, Nike, qui gèrent la politique sportive et qui imposent leurs joueurs bankable, pour qu’ils deviennent des mannequins et vendent leurs maillots”.

Toujours farfelu ? Pas tant que ça. Si on élargit le débat aux marques, on notera que le naming des stades est désormais répandu. Que Red Bull possède déjà cinq clubs. Et que parallèlement, la plupart des championnats européens, sous le poids du déséquilibre entre les quelques écuries les plus riches et la masse, ne laissent plus guère de place au suspense sur les vainqueurs de fin de saisons, poussant les partisans du libéralisme, une bonne partie du public et peut-être bientôt les diffuseurs à militer pour cette superligue continentale. Hasard, si sa mise à place fait également l’objet de rumeurs toujours plus persistantes ? Si à l’heure d’aujourd’hui, les équipementiers tiennent donc leur rôle, demain, celui-ci pourrait changer. Alors, qui sait…

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