La Coupe Du Monde 2018 Redéfinit Le Spectacle, Et C'Est Tant Mieux
Y’a pas que les buts, dans la vie.

Cette Coupe du Monde est géniale. Pour pas mal de raisons – les “gros” galèrent, tout le monde peut battre n’importe qui, la tension traverse tous les matchs –, ce qui la rend, raison des raisons, “spectaculaire”. Mais c’est là curieux, le terme est à prendre au sens inverse de celui qu’on nous vendait initialement avec appétit. En marge de la grand-messe du ballon rond, certains spécialistes prévoyaient en effet un show mémorable, suivant le modèle de la Ligue des Champions. Ce n’est pas le cas, et c’est tant mieux.
Sans aller jusqu’à suivre ce billet de So Foot, qui y voyait le symptôme d’un football malade, les festivals offensifs et retournements de situation burlesques qui ont rythmé la LdC depuis un an et demi sont au moins les signes de “mental” défaillants, sinon l’incontestable preuve de défenses poreuses et fébriles. Quand une équipe remonte un 3-0 encaissé à domicile, quand une autre efface un 4-0 par un 6-1, à force, c’est bizarre. N’en déplaise à Roger, qui dans un micro-trottoir au PMU, dit que “c’est tant mieux, au moins y’a des buts“. Et à tous ces consultants qui s’enjaillent d’un exceptionnel devenu norme, à grands renforts de l’usage de leur notion à eux de “spectacle”.
Non, les buts ne sont pas les uniques vecteurs de spectacle footballistique. Qui n’a pas vibré du rythme effréné d’un Mexique-Allemagne, remporté 1-0 par El Tri ? L’intensité, l’engagement, la grinta entrent en ligne de compte. De même que… oh surprise, cette ingrate défense. Eh oui, ce n’est pas parce qu’une équipe tacle sec et fait le choix de se regrouper derrière pour évoluer en contre qu’on parle automatiquement de football moche. Outre le fait qu’il s’agisse d’un choix tactique tout à fait acceptable, car dénotant une certaine conscience d’infériorité technique et une volonté de gagner autrement, ça peut aussi être beau.
Un tacle bien exécuté, un dégagement rageur qui fait montre d’une supériorité psychologique… Et puis, un bel arrêt, non ? Après une LdC aux scores fleuves qui faisaient passer les gardiens pour leurs homologues handballeurs, le Mondial montre qu’une claquette, c’est important. Tout ça donne en tout cas des matchs au couteau, où on se dit que chaque pion va compter. Où on tremble à chaque dribble aux abords des 16 mètres 50. Où chaque occasion peut vraiment faire la différence.
N’est-ce pas mieux ? N’est-ce pas mieux de ressentir des tremblements sincères ? C’est ce qu’induit la rareté. Inutile de le demander à un psy, une émotion intense supplante largement la succession de petites secousses. Alors que le football d’aujourd’hui a tendance à s’appuyer sur la maxime “pour gagner il faut marquer plus de buts que l’autre“, ce que la recrudescence des 4-3-3 sur les tableaux noirs et l’explosion du rôle d’ailier offensif tendent à prouver, ce Mondial fait figure d’exception. Un rappel que la défense compte, qu’elle peut être sympa à regarder. Et que le spectacle n’a pas un seul et unique visage.