"L'évolution de la mode africaine doit rester entre les mains des Africains" - On a parlé de mode et d'Afrique avec le designer de Wekafore
À l’occasion de la sortie de sa nouvelle collection SPIRIT 002.
Il y a encore quelques années de ça, des t-shirts scandaient de manière ostentatoire la promesse “Africa is the future”. Si ces derniers ont disparu au fil des saisons, le designer Jibril Wekaforé a lui gardé cette conviction et l’a retranscrit à travers “l’afrofuturisme” de son label éponyme né en 2013. Né à Lagos au Nigéria d’un père tailleur, le designer de 24 ans a sorti sa première collection “Welcome to Black” en 2015, fortement inspirée par les discriminations raciales subies lors de son arrivée à Dubaï, où il a vécu plus jeune. Après avoir écumé le Moyen-Orient et l’Europe, le fondateur de la marque profondément engagée veut désormais élever son continent à travers sa créativité bouillonnante, qui selon lui, influence le monde : “La créativité africaine redéfinit le futur de la musique, de la mode, de l’art et de l’environnement.”
Présentant aujourd’hui sa seconde collection intitulée SPIRIT 002, nous avons échangé avec Jibril Wekaforé, qui a traduit son idéologie en élaborant des pièces travaillées, l’érigeant au rang des designers émergents à suivre. De son gilet en cuir comme pièce phare aux t-shirts et sweats imprimés en passant par des tickets d’entrée pour son Voodoo Club, tout le concept du label hybride est disponible sur le site de Wekafore.
HYPEBEAST FRANCE : Quelle est l’idée derrière la collection Spirit 002 ?
Jibril Wekaforé : La série Spirit est une exploration de la spiritualité africaine à travers la technologie moderne. Je suis à la recherche de mes origines africaines et je les utilise pour créer une forme d’expression contemporaine qui est intrinsèquement africaine mais aussi universelle, qui est compréhensible pour tout le monde.
Quand tu parles de Wekafore, on a l’impression que c’est plus un message ou une idéologie qu’une marque de vêtements. Cependant les pièces sont modernes et faciles à porter, comment arrives-tu à intégrer tes idées dans tes collections ?
C’est vrai que l’esthétique de Wekafore est plus basée sur un état d’esprit que sur un produit. Le but est de donner naissance à une nouvelle conscience créative et amener les gens à se questionner sur la manière dont ils voient les choses, comment ils perçoivent la mode africaine et l’évolution de la mondialisation. J’ai le sentiment que j’ai vécu différentes vies, rencontré beaucoup de gens, de cultures différentes et écouté beaucoup de point de vues différents. Cela me permet de traduire ces ethos dans des produits facilement compréhensibles de tous.
“Je suis tellement heureux de voir autant de créatifs confiants, repoussant les limites et combattant les cages économiques et sociales qui nous ont été imposées.”
Tu parles souvent du concept d’afrofuturisme. Comment le définirais-tu, du point de vue de Wekafore ? Est-ce qu’il a changé depuis 2013 ?
Oui, le concept a changé. Je me réfère maintenant à “l’afro-présent”, car nous sommes ici, maintenant, et on le ressent. La créativité africaine redéfinit le futur de la musique, de la mode, de l’art et de l’environnement. Je suis actuellement concentré sur un futurisme primitif qui est le commencement de toute chose.
Parce qu’ils viennent d’un continent où il est plus difficile de grandir en tant que marque de mode, les designers africains ont-ils plus de responsabilités que les autres ?
C’est très facile de suivre un système déjà établi mais on sait tous très bien que ce système est sur le déclin et qu’on détruit l’environnement. Je pense qu’il faut se pencher sur tous les échecs de nos prédécesseurs européens, redéfinir la notion de succès et voir si nous sommes prêts à sacrifier nos valeurs pour le profit.
“l’évolution de la mode africaine doit rester dans les mains des Africains”
Quelle est ton opinion vis à vis de la scène mode africaine ?
Elle est en pleine effervescence. Je suis tellement heureux de voir autant de créatifs confiants, repoussant les limites et combattant les cages économiques et sociales qui nous ont été imposées. On a besoin de plus d’échanges entre l’Afrique et l’Europe maintenant.
Avec l’expansion de la musique africaine ces dernières années, tendez-vous vers la même évolution pour les marques de mode africaines ?
Si on parle de reconnaissance et d’exposition, alors oui. Cependant, l’évolution de la mode africaine doit rester dans les mains des Africains, avec des infrastructures africaines créant des emplois et renforçant le continent. Tous ces artistes africains sont signés chez Sony ou Universal, pour Dieu sait quels deals et déménagent à Londres. Si on laisse la mode africaine prendre le même chemin, il n’y aura pas de réel changement, ce seront juste des marques européennes avec des noms africains.
Quelle est la ligne commune entre tous tes projets ? Comment tu les mènes tous à bien ?
La ligne commune c’est l’ethos de Wekafore. Parfois j’ai l’impression que je fais et je dis les mêmes choses avec des codes différents. C’est mon rêve et mon but dans la vie donc je trouverais toujours de la motivation, j’ai juste besoin de trouver du temps et de faire des breaks de temps en temps.
