Et Si Disiz La Peste Et Son Designer Faqyyr Bey Venaient De Trouver La Plus Belle Manière De Faire Fusionner Musique Et Mode ?



 Disiz La Peste a sorti le 14 septembre dernier le 12e album de sa riche carrière : ‘Disizilla’. Un opus fort, autant dans le contenu que dans l’univers visuel qu’il véhicule en parallèle, où le vêtement a une place prépondérante. Pour illustrer ses titres, Disiz a en effet élaboré avec son proche collaborateur Faqyyr Bey une sélection de pièces, qu’ils nous ont tout deux permis de shooter dans le quartier asiatique du 13e arrondissement parisien. Tout en nous racontant leur histoire peu banale.    

Un artiste n’est jamais seul. Quand bien même le mythe du solitaire, du “maudit”, a toujours la vie dure. Et que l’image d’un électron libre comme Disiz La Peste aurait de quoi accorder du crédit à la thèse : entre ses virages musicaux et son caractère expérimental, on prête au rappeur ces traits schizophréniques propres au créatif qui suit ses propres instincts, impossible à suivre. Pourtant non. “Ce que j’appelle la mise en art, de la musique à la pochette ou au vêtement, je ne pourrais pas le faire seul”, nous glisse-t-il. Dans chaque nouvel univers qu’il élabore, Disiz est accompagné de petites mains talentueuses, doublées d’esprits créatifs. Ce qu’il nomme ses “référents artistiques”. Il y a Johann Dorlipo, qui réalise ses visuels. Et celui qui répond au pseudo de Faqyyr Bey, pour le côté vêtements. “Il est beaucoup trop chaud”, “beaucoup trop fort”, dit-il de ce dernier en parcourant une veste à enfiler de la collection de sa marque Red Pill – anciennement Galvanized – que son cadet a réalisée pour l’album ‘Disizilla’.

 

Faqyyr Bey, “un référent artistique” derrière la collection

Mais qui est Faqyyr Bey ? Basiquement, un gars qu’on pourrait qualifier de chanceux. Parce qu’il est un fan devenu pote avec son idole. Il rencontre Disiz après l’un de ses concerts en région parisienne en 2006. Le remercie pour son album, sympathise, garde contact. En 2012, il est appelé en renfort pour le retour de l’artiste au rap. “J’ai fait le clip de ‘Moïse’, et il fallait un sigle, c’était important pour la com’. Donc j’ai choisi la pilule rouge en référence à Matrix, et on l’a juste mise sur un teddy. On a sorti le clip et là, on a vu que beaucoup réclamaient la veste, alors on l’a faite. L’aventure était lancée”, se souvient Disiz. C’est le début de Galvanized, et Faqyyr participe au flocage de la pilule sur des t-shirts, casquettes et teddys. “Tout ça m’a donné foi en ma capacité de créer, j’ai toujours été à fond dans les vêtements, mais je n’avais pas forcément confiance”, nous dit-il. L’année suivante, au sortir de son Master de Droit, il lance donc sa marque éponyme, suivant la passion du vêtement héritée de sa mère et “un besoin de s’exprimer”.

 

Une inspiration Japon, avec ses monstres et radiations

Quand le rappeur est entré en studio pour enregistrer ‘Disizilla’ en seulement deux semaines, Faqyyr Bey était là. Il a vu son ami, animé d’une immense colère, dévoiler une autre de ses facettes. Il l’a vu associer son ressenti au Japon pour s’inventer un nouveau personnage, imprégné de deux termes : monstruosité, et radiations. “Disiz passait jours et nuits là-bas et moi je ne rentrais chez moi que pour dormir. Il y avait un élan artistique de groupe, une atmosphère créative. Lui me parlait de la monstruosité, et voulait que je crée une tenue autour de ce thème. En continuant d’aller en studio, en écoutant les sons, je trouvais qu’il y avait une telle identité visuelle qui ressortait facilement, que les sons étaient tellement parlants, qu’il y avait assez d’idées pour faire toute une collection. J’ai pris mon iPad, et pendant qu’il faisait ses sons, je dessinais. Tout s’est fait en même temps, au même endroit”, révèle le créateur. Disiz, qui a tiré ses inspirations du manga Akira et de son “anti-héros” qui l’ont fasciné étant jeune, dit n’avoir fait qu’aiguiller son acolyte. “En partant d’Akira, j’ai cherché les inspirations du manga, et j’ai par exemple trouvé les bōsōzoku, les blousons noirs japonais. J’ai regardé leur style, et j’ai envoyé à Faqyyr. Et lui direct, boom, feu d’artifice dans sa tête”.

Déjà sensible à la vision de la mode japonaise et à ses différentes techniques, lui qui cite notamment celle de la broderie ‘sashiko’, Faqyyr s’en va tauper des matières techniques avec Disiz, et confectionne dans un souci de portabilité des vêtements évocateurs. “Quand il m’a parlé de monstre, je me suis dit que ce serait bien de représenter la transformation. Parce qu’on n’était pas loin de son dernier album ‘Pacifique’, je voulais représenter le passage de ‘Pacifique’ à ‘Disizilla’, de l’humain au monstre”, déclare-t-il. Il élabore la fameuse veste à enfiler sur la base d’un modèle sportswear que Disiz affectionnait, sur ce tissu à plusieurs couleurs, avec un col à l’effet “écaille dorsale qui remonte”. C’est la pièce ‘Kaïju’. D’autres vêtements font références à des titres, comme un ensemble veste-pantalon ‘Cercle Rouge’ et le blouson du clip ‘Hiroshima’, qui apparaît également en cover de l’album. Disiz le désigne comme “masterpiece”. Il faut dire que ce bomber aux manches traversées d’écritures japonaises – “pas de passé, pas de présent, seulement le futur” –, celles-là même qui se déclinent aux côtés des motifs radioactifs sur bon nombre de produits de la collection, est visuellement fort. Et il impressionne tout autant dans les détails, entre une composition en ciré, des reliefs imitation bords-côtes ou des éléments amovibles. Bluffant, comme les coutures d’une nouvelle veste et les empiècements d’un cropped pant…

“Dès que c’est chaud, mais que tu ne vois pas que c’est chaud, c’est là où tu es au summum de l’art”

“Tout est fait main, de A à Z”, précisent les compères. Ce qui malheureusement, signifie aussi que les pièces phares de la collection ‘Disizilla’ sont uniques, faites pour Disiz à vocations promotionnelle et scénique, et ne feront donc pas partie des drops hebdomadaires Red Pill. Au grand dam des fans. “On me demande pourquoi je ne donne pas telle ou telle pièce en atelier pour qu’on la reproduise, mais en fait je ne peux pas. D’une part les matières utilisées sont des chutes de rouleaux, et d’une autre, les dessins ne sont pas fidèles au produit fini, parce que quand tu fais tout sur une pièce, tu la designes tout le temps”, confie Faqyyr, qui dit cependant réfléchir à la possibilité de faire autrement, alors que les déclinaisons que sont t-shirts, hoodies et accessoires se succèdent actuellement sur le site.

 

 

 

Disiz précise qu’il ne s’agit dans l’absolu que “d’un point de départ”. “Là on s’adresse à des gens qui ont envie de porter des vêtements qui vont représenter l’album, mais les prochaines collections, ce sera une marque de prêt-à-porter à part entière. Quand il y aura des albums il y aura du merch, mais hors album, Red Pill continue d’exister”, abonde Faqyyr. Qui tient à nuancer quelque peu le terme, ô combien en vogue, de merch. Au vu de la qualité des produits vendus, assemblés par ses soins, cela paraît en effet réducteur. “Les arts complexes, c’est tout ce qui est en volume. La sculpture est plus complexe que la peinture, et le vêtement c’est encore plus dur que la sculpture. Il y a des proportions, tout est en mouvement. Ce qu’il fait me fascine, ce type n’a pas fait d’école. C’est régulier, tu ne vois pas les coutures, c’est vraiment complexe. Dès que c’est chaud, mais que tu ne vois pas que c’est chaud, c’est là où pour moi tu es au summum de l’art. Parce que c’est hyper technique mais que ça ne se voit pas”, savoure Disiz. Et si Faqyyr Bey ne se voit pas encore, tout porte à croire qu’avec la collection entourant l’album sombre de son aîné, il devrait bientôt entrevoir la lumière.


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@athlaqdmm//Hypebeast Fr
Creative
Hanadi Mostefa
Editor
Alexandre Pauwels
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