L’architecte de la dualité : comment SONGZIO de Jay Songzio marie tradition coréenne et avant‑garde parisienne

Le directeur de la création Jay Songzio dévoile sa vision, le statut de marque coréenne de première génération et l’ouverture du deuxième flagship de la maison à Paris.

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L’expansion internationale est en ligne de mire pour Songzio. La maison sud‑coréenne d’avant‑garde, fondée en 1993, compte parmi les toutes premières marques de créateur du pays et, plus de trois décennies plus tard, continue de servir de passerelle entre l’Orient et l’Occident. Une grande partie de son ADN est ancrée dans la dualité, mettant en lumière l’équilibre entre tradition et avant‑garde, innovation coréenne et sophistication européenne, l’exubérance délibérée de l’Ouest et la fluidité brute de l’Est. « Nous créons une allure unique, à la croisée de la forme et de la fonction, de la symétrie et de l’asymétrie, de la perfection et de l’imperfection », confie le directeur de la création Jay Songzio à Hypebeast.

Élevé à Paris, entouré de tableaux, de sculptures et d’obsessions artisanales, Songzio a très vite compris que « chaque vêtement était une toile et une œuvre d’artisanat ». Il transpose cette vision aux dichotomies de la maison et les envisage de manière holistique, faisant converger les dualités pour créer un récit unifié. Le principe moteur de Songzio s’exprime aussi dans le deuxième flagship parisien de la marque, dédié à la ligne femme, qui a ouvert ses portes peu après le flagship masculin en novembre dernier.

Imaginé par le directeur de la création lui‑même, l’espace s’étend sur deux niveaux et insuffle un modernisme coréen saisissant au paysage parisien. L’architecture repose sur le concept de dualité, où les contraires coexistent. À l’extérieur, une façade en béton néo‑brutaliste vient percuter avec audace l’immeuble haussmannien traditionnel. À l’intérieur, du béton brut et texturé dialogue avec un chêne noir raffiné, créant un contraste saisissant avec les pièces impeccablement exécutées exposées.

Le mobilier monolithique et sculptural est signé du designer belge Arno Declercq, dont les œuvres, inspirées des objets rituels africains et de l’architecture brutaliste, exaltent la pureté des formes et la profondeur de matières telles que le bois d’iroko et l’acier noirci. La boutique, inaugurée officiellement le 11 septembre, présente non seulement les collections, mais aussi les œuvres et le processus créatif de la marque.

Au fond, Songzio veut que ses vêtements dégagent une impression « puissante mais contemplative ». Il poursuit : « Quand quelqu’un porte Songzio, je veux qu’il ressente le poids de l’intention — chaque point a un sens. Il y a une dualité : le vêtement doit faire office d’armure, une seconde peau protectrice qui amplifie la présence, tout en laissant place à la vulnérabilité et à l’introspection. »

« Il y a une certaine gravité, confie Songzio, une quiétude qui naît du fait de porter quelque chose à l’architecture complexe mais d’une profonde résonance émotionnelle. Il ne s’agit pas de confort au sens conventionnel — c’est la confiance qui vient de la certitude de porter une pièce profondément réfléchie. »

Comment définissez‑vous le style et les inspirations de Songzio ?

Élégance d’avant‑garde. Elle naît du dualisme : ordre et chaos, force et fragilité, obscurité et lumière. Nous créons des pièces à la coupe puissante et au dessin sculptural, empreintes d’un romantisme sombre et poétique. Vous verrez des lignes nettes et précises qui s’effondrent soudain en drapés sculpturaux, des volumes audacieux se muant en silhouettes fluides. Notre design est une question d’équilibre millimétré : créer de la simplicité à partir de la complexité, où des surfaces affirmées dissimulent des détails structurels méticuleux.

Ma source principale, c’est le processus de création lui‑même, qui commence toujours par des peintures et des dessins avant de se muer en vêtements, objets sculptés. Chaque collection explore un sentiment intérieur, extériorisé par la silhouette, la texture et la forme.

Quel homme et quelle femme imaginez‑vous porter Songzio ?

Ce sont des créateurs et des penseurs qui s’habillent pour un seul spectateur. Je conçois pour des individus qui vivent en conscience. Ils sont eux‑mêmes créateurs — artistes, architectes, musiciens, penseurs — des personnes dont les métiers ou les passions exigent un engagement profond envers le savoir‑faire. Ils comprennent le processus, apprécient le travail invisible derrière la beauté visible. Notre homme goûte la précision d’une épaule parfaitement construite tout en saisissant la poésie d’un drapé asymétrique. Notre femme incarne une force tout en subtilité — elle ne s’annonce pas à grand bruit, mais occupe l’espace par une présence réfléchie.

En tant que marque de première génération en Corée, comment voyez‑vous votre rôle dans un monde où la culture coréenne suscite tant d’attention ?

Nous ne surfons pas sur une tendance — nous faisons partie de ses origines. À Paris, où nous sommes présents depuis deux décennies, comme à Séoul, où nous avons posé les bases de ce que signifie être une marque de créateur. Notre rôle est d’élever notre culture, en présentant un artisanat pérenne et une pensée originale au‑delà des cycles de tendances, tout en portant une nouvelle génération d’artistes coréens sur la scène internationale.

Si la culture coréenne affiche son dynamisme, nous incarnons le courant de fond des beaux‑arts — profondeur, authenticité et maîtrise artisanale. Nous prouvons que la voix du design coréen n’est pas éphémère, mais un repère durable dans la conversation internationale.

Vous avez nommé deux nouveaux ambassadeurs cette année, parlez‑nous d’eux.

Nous sommes honorés d’avoir Seonghwa d’ATEEZ comme premier ambassadeur global et Choi Hee‑Jin comme première ambassadrice de la ligne femme. Tous deux incarnent l’ADN de Songzio — des artistes qui valorisent l’artisanat, le design architectural et la synthèse culturelle. Leur influence s’étend à la musique, à la performance et à la mode, en parfaite adéquation avec notre approche interdisciplinaire.

Ensemble, ils privilégient la substance culturelle à la simple visibilité, des artistes qui personnifient la retenue, la discipline et une élégance contemporaine. Ce sont des connaisseurs qui comprennent notre processus, des artistes porteurs de récits de création singuliers.

Parlez‑nous de votre collection printemps‑été 26, Polyptych, présentée lors de la dernière Fashion Week masculine à Paris.

Polyptych est notre collection la plus radicale à ce jour, un chaos construit de contrastes. À l’image d’un polyptyque qui ne révèle toute sa résonance qu’appréhendé dans sa globalité, cette collection dissèque l’architecture traditionnelle pour la réassembler en formations audacieuses et asymétriques. Nous avons tranché le hanbok coréen et l’armure occidentale en éclats abstraits, les recontextualisant non pas pour effacer l’histoire mais pour innover — laissant affleurer des traces du passé sous des formes audacieuses tournées vers l’avenir. Influencés par la théorie coréenne de l’art où le vide est présence et non absence, les volumes enflent et se retirent, refusant de flatter le corps. Le porteur devient alors sculpture en mouvement — les vêtements gravitent autour du corps via des coupes en biais et des panneaux verticaux en cascade qui forment des voiles fantomatiques.

Parlez‑nous de votre dernier flagship à Paris. Qu’est‑ce que cela représente pour votre maison ?

L’ouverture coup sur coup de nos flagships parisiens homme et femme a marqué un tournant pour notre maison. Après des années de défilés à Paris Fashion Week, cette adresse permanente acte notre passage de l’invité au résident. C’est une galerie vivante pour nos collections et nos pièces artisanales, qui témoigne de notre engagement en tant que maison globale au contact direct d’une clientèle internationale.

Conçue par mes soins, cette boutique néo‑brutaliste située dans le Marais apporte à Paris un modernisme coréen saisissant. Elle incarne le concept créatif de Songzio, celui d’un dualisme où l’Ordre et le Désordre coexistent : symétrie et asymétrie, lumière et obscurité, courbes et angles, masse et division, finitude et infinitude, audace et apaisement, complexité et silence, classique et avant‑garde.

« Paris est notre seconde langue maternelle — sa rigueur couture et sa culture de la critique affinent notre quête de nouveauté. Séoul est notre cœur : vélocité, expérimentation, énergie brute où se forge l’identité. »

Pourquoi Paris ? Que représente la ville pour votre maison, et en quoi diffère‑t‑elle de Séoul ?

Paris est notre seconde langue maternelle — sa rigueur couture et sa culture de la critique affinent notre quête de nouveauté. Séoul est notre cœur : vélocité, expérimentation, énergie brute où se forge l’identité. Paris apporte la précision et la permanence, la scène mondiale où nous distillons cette énergie dans sa forme la plus pure. Le dialogue entre les deux définit notre modernité transcontinentale.

Avec quels artistes avez‑vous collaboré pour développer le projet ?

Nous avons collaboré avec le designer belge de renom Arno Declercq. En alignant l’architecture sur le continuum créatif de la maison — de la toile au tailleur — nous avons utilisé des matériaux bruts et monolithiques comme le béton et l’acier noirci pour créer un espace à la fois élémentaire et raffiné. Ses œuvres singulières mêlent forme sculpturale et fonction, faisant des objets plus que de simples ornements : une part intégrante de l’atmosphère du lieu.

Comment en êtes‑vous venus à ouvrir deux boutiques à Paris, et où vos collections sont‑elles vendues ailleurs ?

Le succès incroyable du flagship du Marais a entraîné une expansion organique. À l’échelle mondiale, nous sommes distribués chez des partenaires allant des grands magasins haut de gamme aux boutiques qui respectent notre récit — Printemps, La Samaritaine, Harvey Nichols, H.Lorenzo, Dantone, HBX, pour n’en citer que quelques‑uns. En Corée et dans le monde, notre réseau de plus de 100 boutiques constitue l’épine dorsale de la distribution de nos pièces artisanales à grande échelle, tout en préservant l’intégrité de la marque.

Parlez‑nous de votre prochaine collaboration avec Heliot Emil. Comment est né ce partenariat ?

Cette collaboration avec Heliot Emil est une rencontre d’esprits. J’ai beaucoup de respect pour le travail de Julius et Victor Juul. Leur approche provocatrice, industrielle et hautement technique de la mode est fascinante. Nous nous sommes retrouvés autour d’un intérêt commun pour les silhouettes architecturales et les matières innovantes, tout en l’abordant depuis des perspectives différentes. Songzio revendique un romantisme sombre et une construction empreinte d’émotion, tandis que Heliot Emil apporte une précision acérée, scandinave et presque scientifique.

Le lien s’est fait naturellement via Paris Fashion Week, portés par la même ambition de repousser les limites. Cette collaboration est un dialogue entre nos deux mondes — mêlant le drapé artisanal de notre maison à leurs matières techniques pour créer quelque chose de nouveau et de stimulant pour les deux marques.

Le lancement mondial est fixé au 7 novembre.

Vous mêlez l’art et la mode : comment travaillez‑vous avec les artistes et en quoi influencent‑ils votre travail ?

À travers Galerie Noir, nous avons institutionnalisé notre engagement en faveur du dialogue entre art et mode. Nous considérons la mode comme une sculpture à porter et collaborons avec des artistes qui partagent notre volonté de brouiller les frontières entre disciplines. Ces collaborations nourrissent nos traitements textiles, nos silhouettes et nos cadres conceptuels.

Quelle est la suite pour Songzio ?

Renforcer notre présence mondiale tout en développant nos initiatives art‑mode. Davantage de ligne femme et d’accessoires, de nouveaux flagships dans les capitales culturelles. Mais notre étoile polaire demeure inchangée : poursuivre la quête d’une nouveauté absolue avec intégrité — concevoir des vêtements comme des objets durables pour un public mondial de plus en plus averti de la créativité coréenne. Ancrer Songzio comme une maison d’avant‑garde permanente et pluridisciplinaire, à la voix artistique inébranlable.

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