De Rei Kawakubo à Supreme : sur les traces des collaborations d'Artek
Combien en connaissez-vous ?
De Rei Kawakubo à Supreme : sur les traces des collaborations d'Artek
Combien en connaissez-vous ?
Cette année, la marque finlandaise culte Artek fête ses 90 ans. Beaucoup de choses ont changé depuis sa création, en 1935, lorsque quatre jeunes « idéalistes » — Alvar et Aino Aalto, Maire Gullichsen et Nils‑Gustav Hahl — se sont réunis autour d’un objectif commun : « vendre du mobilier et promouvoir un art de vivre moderne par des expositions et d’autres moyens éducatifs ».
Il est vrai qu’aujourd’hui, leurs pièces se retrouvent plus souvent dans des lofts que dans des établissements d’enseignement, mais le simple fait qu’Artek continue de proposer exactement les mêmes modèles qu’elle proposait à ses débuts, il y a des décennies, témoigne de la capacité de ses fondateurs à répondre aux besoins contemporains.
Une stratégie clé de la marque pour s’ancrer dans le présent a consisté à multiplier les collaborations externes.
En collaborant avec des maisons comme Comme des Garçons et Supreme, Artek n’a cessé de réinterpréter son mobilier iconique — le plus souvent le Stool 60 — et, ce faisant, a ouvert ses pièces à de nouveaux publics.
Pour célébrer 90 ans de collaborations, nous avons rencontré la directrice générale de la marque, Marianne Goebl, qui nous a emmenés pour une virée nostalgique à travers les collaborations les plus iconiques d’Artek.
Rei Kawakubo/Comme des Garçons
Polka Dot, 2013
Rei Kawakubo n’a cessé d’intégrer Artek aux activités de Comme des Garçons et de Dover Street Market depuis près de deux décennies, avec des projets communs allant d’expositions à la maroquinerie, en passant par un parfum co‑créé et diverses interventions sur le mobilier.
Pour le 80e anniversaire du Stool 60 en 2013, Artek a dévoilé une édition spéciale de Rei Kawakubo arborant le motif à pois signature de Comme des Garçons. Cette version joyeuse noir et blanc du Stool 60 avait été conçue à l’origine en 2011 pour le concept Two Towers pocket @ Artek Store, co‑créé par Artek et Comme des Garçons.
Nao Tamura
Untitled, 2013
Également pour célébrer les 80 ans du Stool 60, la designer japonaise Nao Tamura a appliqué sur l’assise la section d’un arbre âgé de 80 ans.
Tamura voulait que le tabouret « évoque la générosité de la nature au fil de 80 ans ». Les cernes d’un arbre, témoins de ses épreuves annuelles, offrent une perspective saisissante sur l’élan vital de la nature, et cette célébration est née en superposant ce graphisme complexe et organique de la vie à la belle géométrie du tabouret d’Alvar Aalto.
Mike Meiré
Untitled, 2013
Pour célébrer les 80 ans du Stool 60 en 2013, Mike Meiré a personnalisé une série de tabourets avec une palette de couleurs traditionnellement employées par Aalto.
Partant de l’idée d’un tabouret en mouvement permanent, Meiré a choisi d’instiller du désordre en peignant chacun des trois pieds d’une couleur différente, offrant de nouvelles perspectives à chaque mouvement. Pour une première présentation, Meiré a peint à la main, avec des degrés de brillance variés, chaque face des pieds. Pour l’édition, commercialisée mais limitée, chaque pied s’est finalement vu attribuer une couleur unie.
Moomin
Untitled, 2013
La première collaboration entre Artek et Moomin, en 2013, consistait à appliquer sur du stratilé une couche décorative de personnages Moomin, superbement dessinés d’après l’œuvre de Tove Jansson des années 1950. Le stratifié est la surface la plus durable proposée sur le mobilier Aalto et est particulièrement prisé pour le mobilier pour enfants. La collection rassemblait un large choix de dessins et plusieurs modèles Aalto, dont Stool 60, le tabouret à quatre pieds Stool E60, Chair 66, la table ronde Table 90B, ainsi que les meubles pour enfants Stool NE60 et Chair N65. Le trait virtuose de Jansson et les personnages Moomin, si attachants, soulignaient avec justesse les lignes claires du mobilier d’Aalto.
Supreme
Untitled, 2017
La collaboration d’Artek avec Supreme s’est en partie inspirée du lien entre la piscine en forme de haricot d’Alvar Aalto à Villa Mairea et les origines du skateboard.
Les méthodes de construction directes d’Aalto et ses techniques innovantes de cintrage du bois s’accordent naturellement avec les valeurs clés des communautés du skateboard et du streetwear : authenticité, savoir‑faire et esprit rebelle.
Jo Nagasaka
ColoRing, 2019
Ce projet est né pour célébrer les 100 ans de relations diplomatiques entre la Finlande et le Japon, et pour Goebl, l’architecte Jo Nagasaka s’est imposé comme une évidence.
En partant des classiques d’Artek, Nagasaka a appliqué des combinaisons chromatiques vibrantes grâce à des techniques japonaises ancestrales nommées Udukuri et Tsugaru‑nuri.
« Le résultat, ce sont des associations de couleurs surprenantes et des motifs irréguliers qui évoquent des cartes topographiques », ajoute Goebl. « La structure en bois restant en partie visible, la beauté naturelle est préservée tout en créant des juxtapositions intrigantes. »
Buaisou Aizome
2019
Autre collaboration célébrant les liens finno‑japonais : un collectif dédié à la renaissance de l’art local de la production d’indigo.
« À titre expérimental, ils ont teint l’un des pieds de notre tabouret, et le résultat, profond et velouté, était si saisissant que nous n’avons pas pu résister », ajoute Goebl.
Dans le cadre de cette collaboration, 100 tabourets ont été teints à la main à l’indigo puis protégés par un vernis. En outre, 10 tabourets ont été laissés sans vernis, permettant à l’indigo de s’estomper naturellement avec le temps — « une réflexion poétique sur le passage du temps et l’usage », dit Goebl.
Barbara Kruger
Untitled (Kiss), 2019
La collaboration avec Barbara Kruger a inauguré la série Artists’ Editions, développée avec le vivier d’artistes de l’Institute of Contemporary Arts (ICA) de Londres.
Kruger, qui a présenté sa première exposition personnelle au sein d’une institution à l’ICA en 1983, est connue pour son œuvre audacieuse, fondée sur le collage, mêlant imagerie en noir et blanc et textes provocateurs. Elle a transposé cet esprit sur le tabouret, décliné dans la palette signature de Kruger — noir, blanc et rouge — et numéroté à la main, frappé de son cachet d’authenticité.
« À première vue, le Stool 60 Untitled (Kiss) de Kruger semble délivrer un message doux et simple, mais en vous asseyant dessus, vous en complétez la phrase », ajoute Goebl.
Heath Ceramics
Nesting Stools, 2021
La collaboration entre Heath Ceramics et Artek a débuté il y a près d’une décennie. Bien qu’ils travaillent des matériaux très différents — le bois et l’argile —, ils explorent la manière dont les deux se rencontrent et s’inspirent l’un de l’autre.
Au fil des discussions, l’idée a émergé de transformer trois tabourets en un ensemble gigogne. « En usage, le trio crée un paysage de hauteurs variées, faisant à la fois office d’assises et de tables d’appoint », ajoute Goebl. « Une fois empilés, tous les pieds touchent le sol, et le tabouret supérieur reste stable et pleinement fonctionnel. »
La déclinaison en dégradé de bleus s’inspirait d’une glaçure alors utilisée par Heath Ceramics.
Fischli Weiss
21 Questions, 2021
Pour la deuxième Artists’ Edition avec l’ICA, Artek a sollicité Peter Fischli, du duo d’artistes suisses Fischli Weiss. « Fischli avait déjà reçu en cadeau un tabouret Barbara Kruger (la première Artists’ Edition) », explique Goebl. « Sans être particulièrement intéressé par la possession d’une icône du design, il en a reconnu la praticité : il l’a monté et a enfilé un t‑shirt par‑dessus afin que l’objet, déguisé, puisse toujours servir d’assise, de table et de présentoir. »
Invité à intervenir lui‑même sur le tabouret, Fischli a proposé de jouer avec le rouge signature de Kruger pour les pieds, associé à une assise blanche unie, sur laquelle serait enfilé un t‑shirt noir retourné. Les éditions « 21 Questions » qui en ont résulté associaient le tabouret à un t‑shirt sur mesure portant 21 extraits choisis de l’œuvre Questions de Fischli/Weiss.
Wood Wood
Untitled, 2022
Le directeur artistique de Wood Wood, fan et collectionneur de longue date du Stool 60, avait expérimenté plusieurs teintes à base d’huile de lin sur des tabourets bruts dans son jardin. « Il voulait ajouter une dimension de couleur à l’iconique Stool 60 sans compromettre le magnifique veinage naturel du bois », ajoute Goebl.
Artek a finalement retenu trois teintes vives — bothnia blue, factory yellow et powder pink — traduites en teintures à l’eau à l’usine. Les tabourets ont été présentés à l’occasion du 20e anniversaire de Wood Wood.
Tsuyoshi Tane Stool 60
Sleeping Beauty, 2023
En 2023, pour célébrer le 90e anniversaire de l’iconique Stool 60, Artek a collaboré avec l’architecte japonais Tsuyoshi Tane pour créer un tabouret explorant les propriétés du bouleau, donnant naissance à une pièce qui interroge le processus de vieillissement du bois.
« Ses expériences l’ont conduit, littéralement, à enfouir les composants bruts du tabouret dans la terre », explique Goebl. « Tane a enterré des éléments en bouleau brut du Stool dans différentes terres, collectées sur des sites à travers le Japon, afin d’en observer l’effet sur le bois non traité. »
« Une terre riche en calcium a teint le bouleau d’un jaune doux ; une terre volcanique a donné des nuances de noir profond ; tandis qu’une terre chargée en aluminium a produit des teintes pâles, presque blanches. »
Formafantasma
Forest Collection, 2024
La collaboration au long cours d’Artek avec le studio de design fondé sur la recherche Formafantasma visait à impulser un changement systémique au sein de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise.
« Les recherches de Formafantasma sur la forêt finlandaise nous ont sensibilisés à l’impact de l’industrialisation et du changement climatique sur les bouleaux âgés de plusieurs décennies, traditionnellement utilisés dans le mobilier d’Aalto », explique Goebl.
« La Forest Collection introduit une sélection de bois élargie, baptisée “wild birch”, qui embrasse les variations naturelles — nœuds, traces d’insectes, variations de couleur — comme des marques d’authenticité plutôt que comme des imperfections. »
Un moment particulièrement gratifiant s’est produit à l’usine d’Artek, dans le sud de la Finlande, lorsque l’équipe de production a partagé avec Formafantasma son enthousiasme sincère pour cette nouvelle approche — qui leur permet d’exploiter plus pleinement chaque arbre dans la création des produits durables d’Artek.
Paul Smith
2024, 2025
Beaucoup associent les produits Artek au bouleau naturel ou aux finitions classiques noir et blanc, mais la couleur fait partie intégrante du langage design d’Artek depuis ses débuts. « Qui mieux que Sir Paul Smith pour réinventer une palette de couleurs pour les classiques d’Artek ? », déclare Goebl.
Plutôt que d’utiliser sa propre palette originelle, Smith a opté pour des tonalités subtiles inspirées des nuances des bois naturels. Clin d’œil à sa signature : lorsque plusieurs tabourets sont empilés, la rayure Paul Smith prend vie de manière ludique et inattendue.
Moomin,
2025
Ils ont peut‑être dix ans de moins qu’Artek, mais les Moomins fêtaient eux aussi un anniversaire spécial cette année. Puisqu’ils comptent parmi les plus grands emblèmes culturels de la Finlande, il allait de soi de marquer ces deux anniversaires par une collection commune.
« Nous avons sélectionné des esquisses façon gribouillis et des textes manuscrits tirés des premiers carnets de Tove Jansson et des histoires Moomin, qui parlent d’aventure, d’amitié et de célébration », explique Goebl. Ces dessins ont ensuite été gravés sur le Stool 60 et sur un cabinet.
« Nous nous sommes demandé si nos fondateurs respectifs, qui évoluaient tous dans la scène culturelle d’Helsinki, se connaissaient », ajoute‑t‑elle. « Et en effet, nous avons trouvé un dessin attendrissant de Tove Jansson dans le livre d’or de Villa Mairea, chef‑d’œuvre de villa appartenant à Maire Gullichsen, cofondatrice d’Artek, et dessinée par les Aalto. »

















