Rencontre à Paris avec Daniel Arsham, l'archéologue du futur

Dans les coulisses de son exposition ‘Paris, 3020’.

Art 

C’est l’exposition à ne pas manquer à Paris en ce début d’année. Architecte, sculpteur, designer, Daniel Arsham est un véritable touche-à-tout en ce qui concerne l’expression de son art. Une polyvalence qui fait de lui l’un des artistes contemporains parmi les plus populaires du moment, en atteste notamment sa collaboration remarquable avec Dior et Kim Jones l’année dernière, dans laquelle l’Américain de 39 ans proposait une série d’objets transformés par l’érosion du temps.

Le rapport au temps et à ses effets ont d’ailleurs toujours été un thème central dans les œuvres d’Arsham, bien souvent à mi-chemin entre la sculpture et l’architecture dont il est aussi passionné, jusqu’à s’adjuger le titre “d’archéologue du futur”. Car si l’adage veut que “ce qu’on ne fait pas, le temps le fait”, Arsham, lui, s’attache à le faire aussi depuis le début de sa carrière.

Photo Daniel Arsham

Une exposition qui interroge notre rapport au temps

Pour sa dernière exposition qui s’est ouverte à la Galerie Perrotin de Paris le 11 janvier, ‘Paris, 3020’, l’artiste a eu l’immense privilège d’avoir un accès inédit au fameux atelier de moulage de la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais (RMN). Un atelier historique qui renferme en son sein les moules originaux de chefs-d’œuvre des plus grands Musées du monde, du Louvre à la basilique San Pietro in Vicoli de Rome jusqu’à l’Acropole d’Athènes. ‘Paris, 3020’, met ainsi en scène des œuvres iconiques ou non du passé auxquelles il a ajouté sa patte caractéristique et sa problématique favorite. À coté de ses reproductions sculpturales, Arsham dévoile également une série de dessins pour illustrer son processus de travail.

C’est une ressource incroyable. J’ai dû batailler avec le gouvernement pour y avoir accès, car ce sont des œuvres qui appartiennent à l’État pour la plupart et qui font partie du patrimoine. Ce n’était pas facile (rires). Je suis le premier artiste contemporain à avoir eu accès à tant d’œuvres en même temps”, confie fièrement l’artiste qu’HYPEBEAST FRANCE a pu rencontrer dans les couloirs de son exposition où les œuvres sont installées minutieusement et occupent une place d’honneur sous les lumières blanches tamisées de la Galerie Perrotin, en plein cœur du 3ème arrondissement de Paris.

Photo Daniel Arsham

“Une invitation à repenser le quotidien et les expériences de chacun avec l’Histoire”

Loin d’être de simples copies, ces reproductions fidèles de chefs-d’œuvre de l’Antiquité semblent ici avoir subi le passage du temps et laissent désormais entrevoir un calcite bleu et de nombreux autres cristaux qui les rongeraient de l’intérieur. Une vision paradoxale puisqu’elle traite autant du passé qu’elle évoque le présent et questionne notre futur. Et c’est justement cette perte de marqueurs temporels qu’ambitionne de mettre en scène Daniel Arsham avec ces répliques altérées.

Pour moi, c’est une expérience incroyable. Dans un sens, ceci est une invitation à repenser le quotidien et les expériences de chacun avec l’Histoire. Les œuvres de mon exposition en elles-mêmes parlent d’ailleurs déjà du temps. Les œuvres originales que j’ai retravaillées, complexifiées, ont toutes été créées sur une période de 2000 ans”, précise-t-il, quand bien même il assure ne pas vouloir être “très spécifique” à propos du sens derrière son travail, “étant donné que mes œuvres traversent le temps. C’est intéressant pour moi aussi de me demander comment celles-ci seront interprétées dans le futur”, s’interroge-t-il.

Photo Daniel Arsham

Ceci étant, ‘Paris, 3020’ est donc une excellente manière d’apporter un regard nouveau sur certaines œuvres iconiques de l’Antiquité. De pouvoir les approcher et de rendre plus intime la relation avec le public. Une approche exceptionnelle d’autant que toutes les “œuvres sont reproduites à l’identique de l’original avant d’avoir été retravaillées. Rien n’a été produit digitalement. On a tout réalisé à la main, avec des moules en silicone. On a utilisé la même technique que celle que l’on connaît depuis des centaines d’années”.

On pense notamment à cette imposante sculpture de Michel Ange avec son Moïse assis qui fait face à la célèbre Vénus de Milo d’Alexandros d’Antioche érodée. Ou encore à cette reproduction d’un buste de Zeus, qui trône habituellement à plusieurs dizaines de mètres de haut sur une colonne du Musée du Louvre, ici présentée à hauteur de tête et qu’on peut apprécier de manière totalement inédite. Une accessibilité nouvelle, donc, alors que la position des œuvres tranche aussi avec celle des originaux, tout comme les socles, ré-imaginés, sur lesquelles elles reposent.

Photo Daniel Arsham

“Quand vous visitez un musée, vous avez à disposition un descriptif sur l’œuvre à propos de son auteur, de sa position dans le temps, ce qu’elle signifie… Mais, tout ceci est sujet aux changements à travers le temps. D’autres pièces, par exemple, ne sont visibles qu’à certaines hauteurs, certaines sont même très difficiles d’accès. Alors, mes reproductions offrent également un nouveau regard sur ces œuvres mondialement connues”. Un rêve pour les amateurs d’art en tous genres.

La mode, un medium d’art comme un autre

Une autre partie de l’exposition est réservée aux travaux d’Arsham pour Dior, réalisés à l’occasion du défilé Printemps/Été 2020 de la griffe de luxe. Les lettres de la marque y sont présentées comme érodées, tout comme des objets ayant appartenu à Christian Dior tel un téléphone reproduit à l’identique et revisité par l’artiste américain. Ce dernier, à l’instar d’un Andy Warhol, estime d’ailleurs que la mode peut également être un médium d’art comme un autre quand il est utilisé à cet effet.

“Dans les années 60, Warhol était déjà très intéressé par ce cross entre l’art et d’autres disciplines. Il ne faisait pas de distinction entre ses œuvres cinématographiques, ses peintures, ses t-shirts… Pour lui, chaque production réalisée était une manifestation de son art. Je pense que je me retrouve dans cette façon de penser. La mode est donc être un médium de l’art comme un autre”, assure Arsham. De quoi laisser présager d’autres collaborations artistiques avec de grandes Maisons de mode pour celui qui a déjà travaillé avec RIMOWA, adidas et colette notamment, d’autant qu’une collection apparel Dior x Arsham avec les visuels érodés de l’artiste devrait prochainement voir le jour.

Photo Daniel Arsham

En attendant, on ne saurait que trop vous conseiller de vous rendre à l’exposition ‘Paris, 3020’, totalement gratuite et qui se tiendra jusqu’au 21 mars prochain dans les travées de la Galerie Perrotin, rue de Turenne à Paris.

Galerie Perrotin
Paris, 3020
Du 11 janvier au 21 mars 2020
60 et 76 rue de Turenne
75003 Paris

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