Mais qui se cache derrière la production des nouveaux clips de PNL ?
Rencontre.
Paysages lointains, spleen en images… PNL a fait de ses clips un véritable parti pris dans son style musical. Pas de bimbos qui twerkent ou de grosses cylindrés qui fument, loin des clichés qui entourent parfois le rap mais tout en s’imprégnant de l’univers de la rue, les vidéos de PNL transpirent la banlieue et le spleen qui en ruisselle. Une authenticité et une approche visuelle qui ont fait des deux frères une véritable référence dans le clip en France. On attend un clip de PNL, on le visionne, on le revisionne, on s’en imprègne. N.O.S. et Ademo ont réussi, à l’heure du web où tout peut se voir n’importe quand à n’importe quelle heure, à donner rendez-vous. On retrouverait presque cette petite excitation lorsque votre frère ou soeur criait depuis le canapé “ça recommence !” à la fin de la coupure pub du film diffusé sur le tube cathodique dans les années 90. Époque où Internet n’avait pas encore envahi les foyers de France.
Glissade sur la pente de la mélancolie, voyage dans les cités abandonnées par l’État vers d’autres déserts – de sable -, pour son nouvel album PNL continue de miser sur ce style avec déjà trois clips sur YouTube, dont “Au DD”. Une vidéo largement remarquée puisqu’on y voit N.O.S. et Ademo assis les pieds dans le vide tout en haut de la Tour Eiffel. Une image forte, que les jeunes de quartiers nous détaillaient dans un précédent article. Et derrière la production de “Au DD”, on retrouve Arthur Catton et Nizar El Tayeb de chez Big Productions, ceux-là même qui sont aux manettes de la toute récente vidéo de “Deux Frères”. Des noms pas inconnus du paysage musical du clip. Rencontre.
De Spike Lee à PNL – De 1997 à 2019
C’est la première fois que le nom de Big Productions apparait sous un clip de PNL. Avant ça, les deux frères avaient enrôlé Kamerameha pour “Le monde ou rien”, “J’Suis QLF”, les trois courts métrages “Bené”, “Onizuka” “Jusqu’au dernier gramme” ou encore ”A L’Ammoniaque” (avec Kim Chapiron derrière la caméra), qui figure sur le tout nouvel album. En 2019 le groupe le plus en vogue du rap FR et son label QLF Records se sont donc tournés vers ce qui est l’une des plus grosses boites de prod de Paris.
“Ça démarre jeune à l’âge de 26 ans. Je monte Big pour faire des clips et des courts métrages à une époque où il n’y avait pas beaucoup de gens qui faisaient du clip dans les années 90. Très vite on se met à tourner, à faire des choses qui sont en rupture avec ce qui se faisait à l’époque”, se remémore Pierre Rambaldi, producteur et co-fondateur de Big. Mais c’est très exactement en 1997 que la boite de prod va officiellement devenir Big – sans jeu de mot -, lorsque Pierre conclut un deal avec le réalisateur américain Spike Lee. “J’ai lancé la boite avec une pub de Spike Lee. Sur une campagne internationale, on me dit qu’on a aucune chance de gagner mais qu’on peut participer à l’appel d’offre quand même. De là je me suis mis à la recherche de Spike Lee, je ne le trouve pas pendant 15 jours et soudainement je le vois monter les marches du Festival de Cannes. Je décide de tenter ma chance en l’appelant au Carlton et là il me dit ‘allons-y’. Un mois plus tard nous étions à New-York en train de tourner”. S’enchaineront alors les projets avec la réalisation et production du film “Les tribulations d’une caissière”, adaptation d’un véritable succès en librairie, ou encore “Le Serpent” avec Clovis Cornillac et Yvan Attal.
Quelques années et films plus tard Pierre rencontre Raphaël Carrasic, qui deviendra son bras droit. “Raphaël venait de l’industrie du disque et de là on a fait des films, des documentaires, des séries comme ‘Biarritz Surf Gang’”. Une association qui agrandit le spectre de Big et qui nous amène à mai 2018, date à laquelle Pierre et Raphaël absorbent le trio Charlotte Abramow, Arthur Catton et Nizar El Tayeb dans leur écurie de producteurs.
L’indépendance avant tout – QLF à la réal, Big à la prod
Se connaissant depuis leur plus jeune âge, ayant grandi tous les deux dans le 7ème arrondissement de Paris, Arthur et Nizar se perdront de vue quelque temps avant de se retrouver en 2008 et de faire de leur passion commune une projection de carrière. Ils montent alors Coeurs et arts, une boite dédiée à l’identité visuelle qu’ils fermeront cependant en 2015/2016 ”parce qu’on est pas gestionnaire du tout”. Durant cette période, les deux garçons compteront la production du clip en animation “The Beat” de C2C, le succès “Pas joli” de Kekra, “La loi de Murphy” et “Je veux tes yeux” d’Angèle. “Nizar et Arthur étaient les producteurs historiques de Charlotte Abramow en script et en photo, ils ont explosé avec elle, et ils continuent d’exploser avec d’autres artistes“, nous explique Raphaël Carassic.
“Faut évoluer, faut grandir, faut travailler avec d’autres gens”, confie Arthur qui en rejoignant Big a voulu donner une nouvelle énergie à son corps de métier. “On aime lancer les premiers clips, bosser avec de jeunes réalisateurs, de nouveaux artistes. On aime être dénicheur de talent. Par exemple on a produit ‘Pas joli’ de Kekra, avec Ousmane Ly qui signé ici son premier clip”. Un autre nom qui résonne dans le paysage du rap français, puisque Ly se cachait derrière la réalisation du feat Damso x OrelSan.
Si on ne saura rien de leur rencontre “impromptue” avec PNL, le courant est passé très vite : “On a eu de la chance qu’ils nous fassent confiance sur un projet de telle envergure et ça s’est enchainé. On a remis le couvert sur ‘Deux Frères’”, explique Nizar. Une association qui leur a permis de travailler sans intermédiaire, PNL étant en indépendant, ce qui facilite et rend plus intéressant le résultat final : “On a toujours bossé avec des jeunes talents, ce qui a pu entrainer pas mal de rancoeur avec des labels ou des maisons disques qui n’ont pas toujours payé nos productions. On a toujours eu le souhait de travailler avec des artistes indépendants, qui ont les cartes dans les mains, pour ne pas se retrouver derrière des gens du marketing qui ont des visions un peu pré-fabriquées avec un modèle un peu dépassé et qui ne sont plus à même de comprendre les artistes avec qui ils bossent“, avoue Arthur. L’indépendance, une donnée importante dans l’équation producteur/artiste, qui est l’un des ingrédients de la recette de QLF : “C’est plaisant de travailler avec des artistes ambitieux et surtout qui s’impliquent dans leur projet. Souvent, quand on travaille avec des maisons de disque, les artistes arrivent le jour du tournage sans trop savoir ce qui se passe. Alors que là on a pu travailler en direct, les artistes peuvent dire ce qu’ils aiment ou n’aiment pas”, conclut Arthur.
Un état d’esprit partagé par le co-fondateur de Big, Pierre Rambaldi : “Les 20 dernières années les artistes ont perdu le pouvoir, c’est l’économie qui a pris le pouvoir sur les artistes. PNL et Angèle c’est la démonstration que, quand on leur redonne le pouvoir, il en sort quelque chose de sublime”. Si Arthur et Nizar sont restés discrets sur la suite de leur collaboration avec PNL, on se dit que celle-ci n’est en tout cas aucunement fortuite : en 2013, le logo de leur ancienne boite Coeurs et arts n’était autre qu’un coeur aussi gros et aussi chirurgical que celui de PNL. “J’ai cru apercevoir le destin” comme dirait NOS.