Ses nouvelles pièces avec Levi's, le concept même de collaboration, ses signatures... Entretien avec Heron Preston
“Je ne suis pas juste un métier, le streetwear pas juste une seule chose”.
On l’a vu dernièrement élaborer des sneakers avec Nike, de l’apparel avec Carhartt ou la NASA… Heron Preston est l’un des designers du moment, et les marques s’arrachent ses fameuses signatures pour twister leurs classiques. Aujourd’hui, c’est au tour de Levi’s de faire appel au créateur, pour le 146e anniversaire de son mythique jean 501®. De quoi donner lieu à des itérations Homme et Femme en éditions limitées – d’ores et déjà disponibles au store de la marque des Champs-Élysées -, respectivement marquées par un motif tie and dye et une teinte orange, l’une des touches personnelles de ce proche de Kanye West ou Virgil Abloh. Nous avons justement pu discuter avec lui de ses signes distinctifs, de ses nouvelles pièces et du principe même de collaboration à l’occasion de cette sortie.
HYPEBEAST FRANCE : Heron, on suppose que tu as une longue histoire avec le Levi’s 501®…
Heron Preston : Ouais ! J’ai grandi à San Francisco, il y a donc cet amour et cette appréciation naturels pour la marque. Le bureau de ma mère était en fait juste à côté des bureaux de Levi’s et je me souviens y être souvent passé devant et entré. J’ai toujours été un fan de la marque et maintenant, être un collaborateur, c’est une super aventure.
Tu aimes casser les codes, alors comment as-tu procédé pour conserver l’ADN du 501® tout en y apportant ta touche personnelle ?
Levi’s m’a vraiment offert la liberté et les outils pour donner ma propre tournure à cette collaboration. J’aime beaucoup mélanger différentes techniques et prendre un élément connu pour le faire ressortir du design général, ce que j’ai fait ici. Comme vous l’avez sûrement deviné, le orange est ma couleur préférée et j’ai utilisé la signature orange de ma collection H.P.C. sur cette collab. J’aime la dualité entre l’avant et l’arrière, et la manière dont les styles Homme et Femme sont à la fois distinctifs, tout en se faisant écho l’un l’autre.
Tu as dit par le passé que tu voulais “transposer” ta street cred à d’autres industries. N’était-ce compliqué, ou du moins particulier sur le 501®, une pièce emblématique et intemporelle ?
Pas du tout, c’est ce qui a rendu ce processus encore plus enrichissant. Évidemment, je voulais être respectueux et rendre hommage à ce classique américain qu’est le 501®, tout en restant fidèle à mon esthétique. Je tiens à apporter des éléments inattendus pour créer quelque chose qui sort de l’ordinaire, et c’est la liberté que m’a ici donnée Levi’s. Je ne suis pas juste un métier, designer ou DJ, le streetwear n’est pas juste une seule chose, sneaker ou hoodie. Avec ma collection, j’essaie de twister des basiques, des classiques, travaillant davantage avec la couture parce que je pense que le streetwear a sa place dans le luxe.
Tu parles souvent de mode durable également, l’environnement est quelque chose qui te tient à coeur. Le 501® n’est-il pas aussi l’image d’une mode qui dure ?
La durabilité est également très importante pour moi et je pense que nous devons être plus conscients de la manière dont nous consommons. C’est pourquoi je travaille avec des matériaux écologiques. C’est une autre raison pour laquelle Levi’s était un partenaire naturel pour moi, car je respecte vraiment ce qu’ils font en tant qu’entreprise pour être plus respectueux de l’environnement. Le 501® est aussi une pièce qui a fait ses preuves, qui passe l’épreuve du temps. Si vous pouvez avoir un produit pendant 15, 20 ou 30 ans, c’est qu’il est durable.
À la base, le jean est une pièce destinée aux travailleurs… Tu évolues dans le streetwear, mais on sent un attachement particulier à la notion de travail, aux uniformes en particulier – tu dis être fasciné par celui des astronautes, tu as designé celui des éboueurs de New York, tu as parlé d’une fresque de Diego Rivera représentant l’usine Ford comme inspiration l’an dernier… les références au travail sont partout dans tes collections. Pourquoi cette inspiration, cette fascination même ?
J’ai toujours été grandement influencé par le monde qui m’entoure, et c’est en grande partie ce que les gens portent. Mon père était officier de police et, dès mon plus jeune âge, je me suis vraiment concentré, presque avec obsession, sur l’idée d’uniforme, et cela transparaît dans mes créations.
Tu as collaboré avec beaucoup de marques, de Nike à Carhartt, sur du textile comme des sneakers. En quoi les collaborations sont importantes pour toi, et quels sont les ingrédients d’un partenariat réussi ? Toi qui parles souvent du terme de curiosité, sans doute est-ce ce trait de caractère qui te guide…
Je pense que tu peux dire que je suis curieux ! Ma vie et ma carrière sont conduites par la découverte et j’espère que cela se ressent à travers tout ce que je fais. Pour ce qui est des collaborations, je pense qu’elles doivent avoir un sens pour chaque partie. Avec Nike, j’ai commencé par être un fan de la marque, étant un sneakerhead quand j’étais jeune, pour finalement devenir un employé. C’est fou de collaborer maintenant avec eux, mais c’est aussi super naturel et je pense que c’est ce qui fait la réussite d’un partenariat. Je ne ferai jamais de collaboration juste pour faire une collaboration, je suis très soucieux de l’essoufflement du concept de collab, donc je fais très attention à choisir des projets qui me stimulent personnellement et qui peuvent aboutir à quelque chose d’inattendu que les gens vont vouloir.
C’est un peu bête, mais pour finir, on a envie de te demander : pourquoi le cyrillique, pourquoi le orange, et au final, pourquoi utiliser l’image du héron – au-delà du clin d’oeil à ton prénom ?
Le cyrillique est sorti d’un projet que j’ai réalisé avec le SHOWstudio de Nick Knight à Londres il y a quelques années. C’était au sujet du style personnel, j’ai donc décidé de créer un logo qui dit “style” en russe. C’était une décision purement esthétique. J’aimais vraiment le style de l’alphabet russe, les lettres. Le orange est venu de la recherche autour du héron – l’oiseau. J’ai trouvé une photo d’un héron en train de pêcher, j’ai zoomé sur le bec et découvert de belles teintes d’orange. Cette couleur se détachait vraiment de l’oiseau, dont les plumes étaient bleues et grises… Je sentais que ça allait aussi claquer sur les vêtements. Quant à l’utilisation de l’oiseau, au-delà de mon nom, c’est mon lien avec la nature, avec l’environnement. J’ai grandi au nord de la Californie, et j’ai été constamment entouré par la nature lors des sorties scolaires et des voyages en camping avec mon père. En fait, j’ai photographié un héron une fois quand j’étais en 4e année. Nous étions en voyage dans le Marin Headlands, et je l’ai vu au loin, sur un étang.