Interview - On A Parlé De La Nouvelle Vague Du Rap Italien Et De Ses Liaisons Françaises Avec Son Patron, Capo Plaza

Un gars qui a, quand même, “une phrase de Fianso tatouée sur le corps”.

Musique 

Son blaze semblait l’annoncer. Capo Plaza, littéralement ‘chef de la place’. Aujourd’hui les chiffres le disent : c’est bien lui le chef, le capo dei capi de la scène rap italienne, cette scène renouvelée, en plein boom et plus que jamais lumineuse, tant par sa qualité que ses équipées avec son homologue française. Or, Luca D’Orso, de son vrai nom, n’était pas prédestiné au règne qu’il laissait présager avec son pseudonyme, ou le titre encore évocateur de son premier carton dans les charts transalpins, Giovane Fuoriclasse - ‘jeune champion’ en vf. Au vrai, il ne pensait pas plus loin que les ruelles de sa ville de Salerno où il zonait et tagguait, ne pensait pas à faire plus que déverser son spleen de ses débuts sur YouTube jusqu’à la sortie il y a quelques mois de son premier opus 20 avec supplément Ninho, finalement auréolé d’un immense succès populaire. C’est que le spleen de Luca, 20 ans seulement, est partagé par toute une jeunesse italienne qui ne rêve que d’une chose, rêver à nouveau. Entretien avec celui qui est un peu plus que l’auteur d’une trap envoûtante et ténébreuse, sinon la voix d’une génération. 

HYPEBEAST FRANCE : Il y a quelques mois, à la sortie de ton premier album 20, tu disais ne pas vouloir y penser. Mais aujourd’hui, à la vue des chiffres, on te repose la question : n’est-ce pas Capo Plaza, le capo du rap italien ? 

Capo Plaza : Actuellement, il semble que oui. Donc oui, HYPEBEAST France, c’est moi (rires). Je suis jeune, je dois encore prouver, mais les chiffres parlent et te donnent raison.

On pourrait penser qu’avec ton pseudo d’artiste, tu avais annoncé la couleur dès le départ. Pourquoi ce nom de Capo Plaza ?

En fait c’était mon tag, que j’écrivais sur les murs. À la base Plaza, c’est parce que je sortais tout le temps sur une place avec mes potes. Après quoi, j’ai commencé à l’écrire dans toute la ville avec des bombes, à 12-13 ans, mais je voulais un nom fort, pas forcément pour me présenter, mais pour que dans le paysage, ce soit un nom qu’on retienne. Donc purement au hasard, j’ai essayé des trucs genre “Young”, “Lil”, et je me suis arrêté sur Capo Plaza. C’était une blague, mais je l’ai gardé parce que ça plaisait bien à mes potes. Et je l’ai gardé aussi quand j’ai commencé le rap.

Photo Capo Plaza

Tu fais partie d’une nouvelle génération de rappeurs, qui connaît un grand succès en Italie. Est-ce qu’on peut dire qu’on est à l’âge d’or du rap italien ?

On peut dire qu’il y a du neuf, mais selon moi l’âge d’or du rap italien fait aussi référence au passé. S’il y a actuellement toute cette vague, tout ce mouvement, comme ici en France, c’est aussi grâce à ceux qui sont passés avant moi, dans les années 90-2000, ils ont placé les bases du rap italien. Pour moi, c’est plus la nouvelle ère du rap italien, la répétition de ce qui est arrivé il y a des années déjà, mais de manière plus commercialisable, plus présente, meilleure. Avec ce changement générationnel qui a eu lieu, aujourd’hui nous sommes la nouvelle garde, on cherche à porter encore plus haut ce mouvement, à la hauteur qui doit être la sienne, parce que l’Italie le mérite. On a de la bonne bouffe, des beaux vêtements, de la bonne musique aussi. Il est juste de le dire.

Quels sont les artistes de cette scène rap italienne ?

Il y a Sfera Ebbasta, Ghali, DrefGold, Marracash, Guè Pequeno, il y en a énormément, c’est vraiment une très belle scène. Ils se distinguent plus ou moins, mais les artistes que je préfère, je les compte sur les mains, il y en a peut-être dix. La plupart, ce sont des personnes avec qui j’ai déjà bossé, fait des feats. Je pense que la scène rap italienne est compétitive sur la scène européenne, et espérons-le mondiale par la suite.

Cette génération semble venir de loin, cela dit. Tu le dis dans tes textes, dans tes interviews, tu parles d’ennui, d’une génération qui n’est pas comprise, d’un “pays de vieux”.

Si tu as grandi en Italie tu le sais, il n’y a pas d’opportunités pour les jeunes. Même si tu crois en quelque chose, il te faut avoir ‘l’oeil du tigre’, parce que sinon personne ne te donnera rien. Personne ne te servira des opportunités sur un plateau nulle part de toute façon, mais pour faire des choses… Même si tu es bon, ils veulent voir les faits d’abord, plutôt que de croire en toi. Malheureusement cette façon de raisonner est encore présente en Italie, et nous laisse dix ans en arrière, on est vraiment en retard là-dessus sur des pays comme la France ou l’Angleterre. Pour moi c’est le problème de l’Italie : il n’y a pas de volonté à pousser les jeunes à faire plus, parce que le pays est mort. C’est un pays de monuments. Les monuments ils sont là, mais il faut de l’espace pour de nouvelles choses. En Italie, c’est plutôt statique, très statique. Même si tu es jeune, tu penses que les jeunes veulent seulement fumer et se droguer. Et quand un gamin de 21-22 ans arrive à faire quelque chose, aux yeux des autres il ne le mérite pas. Quand tu arrives à quelque chose en Italie, tu ne le mérites pas, parce qu’il y a trop de jalousie, comme nulle part ailleurs dans le monde. L’Italie est un pays à part, elle doit s’améliorer sur pas mal de choses.

Il y a aussi, toujours, une défiance d’une partie du public italien pour le rap. On l’a vu dans les réactions suivant la tragédie du concert de Sfera Ebbasta (6 morts et une dizaine de blessés, la plupart mineurs, à la suite d’un mouvement de foule dans une discothèque surchargée, ndlr), où beaucoup ont ciblé la musique…

J’ai vu ça… On sait bien que malheureusement, en Italie, il y a des discothèques qui ne respectent pas les règles, qui ne sont pas aux normes. Mais ce qui est triste en effet, c’est qu’avec ce drame on a pointé du doigt la musique. Alors que ça aurait très bien pu se produire sur un concert de rock. On a pointé la musique, alors que la musique, c’est de la musique, de l’art, si tu l’aimes tu l’achètes, sinon tu ne le fais pas. Pour ce qui est de la tragédie je pense que l’Italie, et pas les artistes trap, doit prendre des dispositions pour ses locaux. On fait de la musique, et dans une salle d’une capacité de 1000 personnes, il ne peut y en avoir 3000. Un gamin de moins de 16 ans ne peut pas entrer, même s’il est accompagné de ses parents. On doit respecter les règles, comme ça se fait à Londres ou à Paris. Si on a une gestion claire et dans les règles, il n’y aura plus de tragédie. Malheureusement en Italie on n’arrive pas à ces conclusions et on préfère pointer du doigt le genre musical. C’est moche.

Photo Capo Plaza

Fort heureusement, les choses vont dans le bon sens. Selon toi, le succès du rap italien actuel est la victoire de ta génération ?

Oui. Je peux te dire que oui, parce qu’on voit plein de jeunes qui ne se contentent pas de rester sur le banc de touche, ni même à aligner deux rimes, mais se détachent de tout ça, pour trouver des motivations, pour dire ce qu’il se passe chez les jeunes de 20-23 ans. Beaucoup de morceaux sont une réflexion sur notre jeunesse. C’est la jeunesse qui parle en ce moment, notre génération, et la trap italienne est la musique de ma génération, de nous, jeunes Italiens. C’est un fait.

Est-ce que la street culture italienne suit le mouvement du rap ? Par exemple, est-ce que d’autres domaines se développent en parallèle, comme la mode ? Il y a de nouvelles marques qui se montent ?

En Italie, il n’y a pas beaucoup de nouvelles marques streetwear. Ce que je porte moi ce sont des marques de designers, genre Off-White, et là j’ai un hoodie de mon merch. Ça me plairait que des marques italiennes se lancent sur ce créneau, après des designers italiens dirigent des marques, comme Palm Angels, il faut le rappeler. Les marques italiennes que je mets, dans l’absolu, ce sont les Gucci, Fendi, le luxe italien classique, et puis du sportswear tout aussi classique, Nike, Reebok et basta. Des Ellesse ou Sergio Tacchini, ce n’est pas mon style. Je mettais ça quand j’étais petit, à 12-13 ans, on trouvait ça au marché à côté de chez moi, je les ai rouillés à fond, donc maintenant basta.

Pour revenir à la musique : on a entendu dire que c’était toi, qui était à l’initiative de ta collaboration avec Ninho sur le titre Billets. Comment ça s’est fait ?

J’ai beaucoup de respect pour Ninho. Derrière Booba, c’est un de mes rappeurs français préférés. Je l’ai découvert avec ses Binks to Binks, les premiers, Part. 1, Part. 2… De là j’ai commencé à le suivre. Je l’ai connu au moment de mon passage chez Warner, chez qui il est également, en apprenant par leur biais qu’il devait venir clipper l’un de ses sons en Italie, Fendi. Toujours par le biais de Warner, j’ai fait savoir que j’aimerais faire un morceau avec lui, et Ninho a accepté. On s’est capté en studio direct, après qu’il soit allé faire des folies à la boutique Fendi de Milan. On a fait notre morceau, le jour d’après on a fait le clip de Fendi où j’apparais, on est resté en contact via Instagram, puis je suis allé en France quelques mois plus tard où on a enregistré le morceau, puis fait le clip. Grâce à Warner France et Warner Italia, on s’est connu, maintenant en plus d’être collègues, on est amis.

Du coup, tu sembles beaucoup aimer le rap français…

J’adore le rap français. Je vais te dire, j’écoute peu de rap italien. J’écoute les morceaux de Sfera, de Ghali, de mes potes comme je t’ai dit, mais j’écoute surtout du rap US et français, et à la même hauteur. Booba est mon rappeur préféré, de manière générale. Pour moi c’est le boss. Après, j’ai une phrase de Fianso tatouée ici, Tout l’monde s’en fout. Je l’écoute beaucoup, et donc Ninho, Kalash Criminel, Koba LaD, Zola, Benash… Je pourrais continuer comme ça dix minutes. Votre rap est très apprécié en Italie, on vous respecte beaucoup pour ce que vous produisez. On aime beaucoup votre culture musicale, donc soutien à nos cousins.

Photo Capo Plaza

De même, on voit de plus en plus de collaborations entre rappeurs français et italiens. Ici en France, on remarque cet intérêt pour la scène italienne depuis le succès de la série Gomorra, mais il semble qu’on va aujourd’hui plus loin que cette image.

Ça me plaît, parce que je pense que les rap français et italiens peuvent devenir les deux grandes forces rap et trap européennes. Je pense qu’on a du potentiel pour être les deux nations les plus fortes du rap en Europe. Sfera et SCH, moi et Ninho, Ghali avec Soprano et Lacrim… La connexion est là, j’espère arriver à faire un feat avec Booba un jour, qui sait ! Ces collaborations sont la preuve que votre rap est apprécié en Italie, d’autant que tous les morceaux entre rappeurs italiens et français ont eu du succès.

Pour finir, un mot sur tes projets à venir ?

Je travaille beaucoup pour passer le next step au niveau musical. Toujours avec mon producteur. J’ai collaboré avec un rappeur américain, et là je cherche à collaborer avec un autre rappeur français, je te donnerai le nom dans notre prochaine interview (rires). Et puis je collabore avec des Italiens, je fais des trucs seul, je suis en studio, je bosse, work in progress. In cantiere, comme on dit en Italie.

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