Addictions, dépression, sexisme... Une enquête révèle l'inquiétant état de santé mentale des professionnels de l'industrie musicale en France
Avec des chiffres alarmants.
“L’industrie musicale en France est-elle en bonne santé ?” Une enquête menée auprès de musiciens et des professionnels du secteur, la première du genre réalisée en France, met en lumière un sujet encore tabou : la santé mentale des acteurs de la musique. Car oui, pour de nombreux artistes, la célébrité, l’amour des fans et le succès se conjuguent visiblement avec stress, sommeil perturbé, dépression, addictions et souvent même, précarité. C’est en tout cas ce qui ressort de l’étude menée par le collectif CURA qui aura recueilli 503 témoignages de personnes de l’industrie musicale entre mai et septembre 2019, avec presque autant de musiciens (rappeurs, chanteurs, instrumentistes…) que de compositeurs, régisseurs, managers, de tout type de courant musical. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats sont inquiétants.
Dépression, anxiété, addictions…
Le premier constat effectué par l’étude est que quatre individus sur cinq souffrent d’anxiété. Un stress qui s’explique par les pressions ressenties concernant les performances, les résultats espérés et même parfois l’avenir de leur carrière. Pire encore, quatre individus sur cinq avouent également éprouver parfois, ou souvent, une sensation de déprime tandis qu’un individu sur quatre s’est déjà vu diagnostiquer comme étant dépressif. On parle ici de chiffres 2,5 fois supérieurs à ceux de la moyenne nationale concernant la sensation de déprime. À noter que si les artistes masculins sont plus enclins à souffrir de dépression et à avoir des problèmes d’alcool, de drogues et d’addictions, près de la moitié des répondants (43%) déclare avoir des problèmes d’alcool et 30% reconnaissent une dépendance aux drogues.
“Nous sommes constamment incités à consommer de l’alcool, quand on refuse on est souvent jugés. On prend souvent une bière comme si on n’avait pas le choix, parce qu’il faut ‘célébrer’”, confie l’un des participants de l’enquête. “Il y a une injonction à la défonce dans ce monde professionnel. Il y a une image de la sobriété et du ‘selfcare’ qui n’est pas sexy pour le moment en France”, selon un autre.
Les femmes “souvent” victimes de harcèlement moral et sexuel
Il est important aussi de constater que ces problèmes d’anxiété et de dépression ne sont pas uniquement réservés aux artistes, mais aussi aux personnes qui gravitent autour d’eux. La problématique globale touche l’industrie en général du fait, souvent, d’horaires décalés, de rythmes de vie malsains et forcément liés à “l’environnement festif” du milieu. C’est pourquoi quatre personnes interrogées sur cinq avouent par ailleurs souffrir de troubles du sommeil et de mauvaises habitudes alimentaires. “Le plus dur à gérer, c’est surtout le stress. Le stress de ne pas trouver de travail, de ne plus pouvoir en vivre, puis le trac lors des prestations. Bref, du stress en permanence”, indique l’un des participants du sondage.
Pour les femmes, la problématique peut parfois se démultiplier. Alors que 31% d’entre elles disent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel, elles sont 50% à reconnaitre qu’elles ont déjà subi du harcèlement moral lié à leur genre. “Être une femme dans la production a été compliqué à mes débuts lorsque j’ai voulu réseauter pour mieux me former (situations très déstabilisantes et souvent décourageantes). Étant un milieu très masculin, certains hommes n’aiment pas les femmes et ne veulent pas nous ‘intégrer’ à leur univers” témoigne l’une quand une autre évoque “beaucoup de pression sur le physique, sur l’habillement”.
Une précarité réelle
Enfin, le dernier volet de l’étude évoque aussi la précarité ressenti par les acteurs de l’industrie musicale, souvent à des années lumières des quotidiens opulents dépeints dans les clips et les morceaux. L’enquête révèle ici que 55% des répondants ont reconnu souffrir de difficultés financières (contre 4% qui n’en rencontrent jamais). “J’étais mieux payé quand j’étais un ado débutant sur des petites scènes toutes bidons que maintenant… La culture trinque toujours en premier… On est mal !”, s’alarme un répondant. “Nous payons par la précarité (sociale, physique et santé) le fait de travailler de notre passion”, estime un autre. Une précarité qui rend parfois difficile la conjonction de la vie personnelle à la vie professionnelle et qui génère, de fait, anxiété, stress, dépression…
Le quotidien des artistes et des acteurs de l’industrie musicale serait donc en réalité bien éloigné de l’imaginaire collectif qui le représente de manière idéale, plein de largesses ostentatoires et couronné de succès. Et si l’enquête ne s’est adressé qu’à un panel réduit de répondants, elle a le mérite d’entrouvrir la porte d’un sujet encore tabou dans la musique. Une enquête à retrouver dans son intégralité ici.
En parallèle, le collectif CURA prépare actuelle un guide sur la santé des artistes et réfléchit à une meilleure coordination entre eux et les professionnels de la santé à contacter en cas de besoin. “Nous espérons qu’il s’agit de la première pierre qui nous permettra de commencer à construire ensemble un édifice plus solide pour le bien-être des actuels et futurs passionnés de musique”, conclut la CURA.
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