Conversation Avec L'Un Des Fondateurs De Roc-A-Fella Records: Kareem "Biggs" Burke

“Là est notre force à Jay et moi, nous n’avons jamais baissé les bras.”

À quelques secondes de rencontrer l’un des fondateurs de l’institution du hip-hop Roc-A-Fella Records, tout amoureux des rimes de Jay-Z ou de la créativité de Kanye West serait traversé par une pluie d’émotions, et d’interrogations. Épaulé par son ami d’enfance Damon Dash et Shawn Corey Carter, Kareem “Biggs” Burke a crée un mythe et défini un lifestyle rayonnant sur le monde entier. Comme tous les mythes, on ne s’attache pas seulement à sa véracité mais aussi aux détails qui ont érigé le label new-yorkais au rang de légende. Si son humilité et son ouverture d’esprit témoignent de son enfance modeste dans les rues de Harlem, celle-ci a aussi forgé un charisme et une prestance nécessaires pour bâtir un empire capable d’irradier sa culture bien au-delà des frontières américaines. Cette personnalité ambivalente reflète la carrière de Biggs, entre ombre et lumière, entre mode et musique, mêlant l’héritage du passé aux projets à venir. En quête d’inspiration lors de la Fashion Week de Paris Automne/Hiver 2018, nous avons collaboré avec le Studio 9:29 Artspace pour capturer des clichés à l’image de cette dualité. Confortablement installé dans son siège face à l’objectif, l’entrepreneur hyperactif se dévoile et nous éclaire sur les origines du mythe de New York.

Portrait De Kareem

Comment aimeriez-vous qu’on vous présente ?

Biggs, co-fondateur de Roc-A-Fella. J’en suis un des piliers et j’ai aidé à construire les fondations de ce monument tel que vous le connaissez aujourd’hui.

Comment Roc-A-Fella est-il devenu le monument du hip-hop tel qu’on le connaît aujourd’hui ?

Je pense que c’est un assemblage de plusieurs éléments qui a rendu ce projet si singulier. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice et si j’ai apporté les moyens financiers, mon lifestyle et ma détermination, Damon Dash a amené son flair pour les affaires et son avant-gardisme. Ajoutez à cela Jay-Z, l’un des plus grands artistes de notre époque et vous obtenez ce mélange si unique. Ce qu’on a accompli ensemble a largement surpassé tout ce qu’on aurait pu imaginer et même aujourd’hui, on continue à marquer l’histoire.

Comment s’est crée ce lien qui vous lie tous les 3 ?

Cela s’est fait naturellement car Damon et moi avons grandi ensemble à Harlem. Nous étions dans le même crew appelé “Best Out” et nous organisions des soirées dans notre quartier. Ensuite, Damon a quitté l’équipe pour se lancer dans l’industrie de la musique avec DJ Clark Kent avant de revenir pour nous proposer de travailler tous ensemble. Je lui ai fait confiance et à partir de ce moment nous sommes devenus encore plus proches. Nous en avons tous discuté avec Jay, et le reste fait désormais partie de l’histoire.

“Si une porte se ferme, il faut l’enfoncer, puis enfoncer la suivante, et ainsi de suite. Là est notre force à Jay et moi, nous n’avons jamais baissé les bras.”

Aujourd’hui tout le monde s’appelle “bro” ou “mon frère” mais rares sont les histoires de fraternité comme la vôtre. Quelles relations entretenez-vous avec Jay et Damon aujourd’hui ?

Ce sont mes frères et nous n’avons jamais été aussi proches. J’ai parlé avec Damon ainsi qu’à Jay il y a seulement quelques jours. Parfois ils m’envoient des e-mails juste pour me dire “Biggs, tu es mon frère”. Notre histoire nous lie à jamais et l’amour et la loyauté qui nous unit restera à jamais intacte. On fonctionne un peu comme une famille, on peut traverser des périodes difficiles mais les liens qui nous unissent sont solides. Aujourd’hui, nous sommes tous heureux dans nos vies respectives.

Comment s’exprimait votre créativité à l’époque ?

Dans les premières années, je ne pense pas que c’était quelque chose dont j’avais conscience. Ce n’était pas un talent que je pensais posséder et pourtant je l’exprimais. Au début, c’était surtout à travers ce lifestyle que j’incarnais et que Jay-Z rappait. Parfois je donnais même mon opinion sur certains morceaux, certaines sonorités captaient mon attention, je lui donnais mon avis et j’essayais de le conseiller au mieux connaissant son talent. Par exemple, Jay n’aimait pas trop l’instrumentale de “Can’t Knock The Hustle” sur Reasonable Doubt mais je l’ai encouragé à faire ce qu’il savait faire de mieux car dans tous les cas, le titre allait être bon. J’ai aussi apporté ma touche sur d’autres aspects de ce son en featuring avec Mary J. Blige qui a rencontré un succès considérable.

Quel message donneriez-vous à un jeune créatif qui pourrait douter de son talent ou ne pas en avoir conscience ?

Je lui dirais de persévérer. C’est impossible d’avoir uniquement des bonnes idées, c’est normal de se tromper, mais lorsqu’on chute, il faut toujours se relever et continuer d’essayer. Il ne faut pas craindre de se tromper parce que c’est parfois à travers les échecs qu’on apprend le plus.

Portrait De Kareem

Quelle est votre approche du processus créatif ?

J’essaye de me poser et de réfléchir à mes idées. Je cherche l’inspiration partout autour de moi : dans les rencontres, l’art, l’architecture, et même dans la musique. J’aime me mettre dans cette bulle notamment quand je fais du sport, je m’imprègne de musique et je me laisse porter par ma réflexion. On a beaucoup d’échanges avec mon associé Emory Vegas Jones desquels découlent souvent de grandes idées.

Rien n’a jamais été facile pour vous, vous n’avez jamais été aidé dans le milieu. J’ai entendu parlé d’une anecdote avec Belvédère, pouvez-vous m’en dire plus ?

Roc-A-Fella a été bâti sur un échec et personne ne nous a jamais ouvert ses portes. Malgré toutes les épreuves, nous n’avons jamais abandonné. Si une porte se ferme, il faut l’enfoncer, puis enfoncer la suivante, et ainsi de suite. Là est notre force à Jay et moi, nous n’avons jamais baissé les bras. Concernant Belvédère, j’avais présenté cette marque à toute l’équipe en leur disant que ça allait être la prochaine boisson en vogue. On a donc décidé de la mettre dans nos clips, ce qui a fait augmenter les ventes, puis on leur a proposé un partenariat qu’ils ont refusé. Du coup, on a lancé notre propre vodka, Armadale. Avec Iceberg, le même schéma s’est reproduit. Ils ont refusé de collaborer avec nous et c’est ainsi qu’est né Roca Wear. Toutes ces portes qui se sont refermées nous ont permis de devenir indépendants et de créer nos propres projets. Nous sommes arrivés à un point où nous n’avions plus besoin de personne, nous connaissions notre valeur et nos capacités.

A la grande époque de Roca Wear, la marque était très populaire même en Europe. Comment avez-vous défini le “cool” à cette période là ?

Je pense que nous avions tellement confiance en nous que l’échec n’était pas une option. Malgré les difficultés, rien ne pouvait nous empêcher d’avancer. De plus, nous avons grandi à Harlem et à Brooklyn qui sont des quartiers où naissent les tendances. Nous avons eu les bonnes intuitions et le flair pour créer des projets d’avant-garde. Le succès n’a rien changé pour nous, ça venait d’Harlem, tout le monde nous connaissait déjà dans notre quartier. Je pense que c’est une question de confiance en soi et c’est aussi comme ça que la mode fonctionne. Certaines tenues peuvent nous donner de l’assurance et on peut se fondre dans la peau d’un personnage.

“Pendant un an et demi on a dormi sur du papier journal, avant de trouver un abris à Harlem. J’avais 12 ans et je me suis dit que je ne serais plus jamais pauvre.”

Vous avez connues des années difficiles, quels enseignements avez-vous tiré de celles-ci ?

Mes échecs ont guidé ma vie. C’est ce qui m’a donné l’endurance que j’ai aujourd’hui. Quand vous surmontez des obstacles, cela vous rend plus fort et vous ne reculez devant rien. Plus jeune, j’ai déjà été expulsé, j’ai été sans-abri. Pendant 4 ans, quand je rentrais de l’école, je devais passer des chaînes et des signes «expulsion» pour rentrer chez moi alors que je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Pendant un an et demi, on a dormi chez des amis de la famille, sur le sol de leurs salles à manger, sur du papier journal, avant de trouver un abris à Harlem. C’est à ce moment là que j’ai compris ce qu’était la pauvreté. J’avais 12 ans et je me suis dit que je ne serais plus jamais pauvre. Je me suis conditionné pour réussir. Même si je n’aimais pas particulièrement l’école, quand j’allais en classe, je voyais bien qu’il existait une alternative à la pauvreté et c’est comme ça que j’ai développé cet état d’esprit. J’ai vu d’autres gamins réussir et je me suis dit que c’était ce que je devais faire.

Vous avez fait du chemin depuis tout ce temps et vous voilà ici à Paris pour la Fashion Week. Pourquoi est-ce important pour vous d’être ici ?

Je viens voir ce qui se passe. Pour garder de la fraîcheur, il faut être au courant de ce qui sort, il faut voir ce que font les autres marques. J’arrive aussi à ressortir inspiré de ces évènements. Et puis je viens aussi pour montrer mon soutien à mes amis comme Virgil Abloh, ou Tracy Mills qui tient la marque Visitor On Earth.

Portrait De Kareem

Quelles sont les prochaines étapes pour vous ?

Avec mon associé Emory, on essaye de faire décoller quelques marques comme Fourth Of November, la marque de denim, qui va de nouveau être lancée d’ici 4 mois. Pour ceux qui l’ignorent, le nom de cette marque vient du nom d’une rue en Equateur, “Cuatro de Noviembre”. Un couple qui voulait s’en sortir a lancé une marque que leurs enfants ont repris par la suite. Après son acquisition avec Emory, nous avons tenu à garder cette histoire d’amour dans ses fondations car elle fait partie intégrante de l’histoire du label. Puis il y a aussi Reasonable Doubt. On a rencontré un tel succès avec les collections capsule et les pop-ups que nous lançons une gamme entière de streetwear. Enfin, il y a Roc 96 qu’on a lancé chez Barneys. Le label va se transformer en Re-Do 96. Ce sont toutes les marques sur lesquelles je travaille en ce moment même s’il y a pleins d’autres projets comme celui en collaboration avec Nike. C’était légendaire, on a fait crasher deux fois l’application Nike et la paire a été sold out dans le monde entier. C’était de loin la plus populaire des 5 éditions anniversaires.

Aussi, j’essaye de développer une section vidéo et un documentaire sur Roc-A-Fella est en préparation. Je reste éveillé et créatif, c’est important d’apporter une énergie nouvelle chaque jour.

Tous les projets évoqués étaient forts de sens. Est-ce essentiel dans votre réflexion ?

Dans tout ce que j’entreprends, dans tout ce que je fais, il faut qu’il y ait du sens. Il faut que les gens puissent se reconnaître dans l’histoire qu’on raconte. Beaucoup de gens feraient n’importe quoi pour de l’argent mais je ne peux pas renier mes valeurs. J’essaye de faire avancer notre culture et d’ouvrir les portes pour les jeunes générations. Je reçois des tonnes de questions sur Instagram pour savoir comment réussir et si je ne peux pas répondre à tout le monde, je peux montrer l’exemple.

Un grand merci à Julia Lang et Boris Fayete qui ont tout mis en œuvre pour rendre possible cette rencontre incroyable. 

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