Rencontre Avec Jean Touitou Et Son Livre Transmission

Pour célébrer le 30 ème anniversaire d’A.P.C, le franco-tunisien Jean Touitou s’est associé avec la maison d’édition Phaidon pour la publication du livre Transmission. Un livre relié qui retrace l’héritage et la pertinence du label français dans le paysage actuel de la mode.

Rétrospective, coupures personnelles, Transmission conserve l’esthétique propre de la marque et inclut des invitations, des cartes postales, des campagnes publicitaires puis des collaborations notables qui ont renforcé l’affiliation d’A.P.C à une marque élégante, moderne et décontractée.

HYPEBEAST ZH s’est récemment entretenu avec Jean Touitou pour parler de la “réalité éditée”, de notion de minimalisme, du but de Transmission et de sa vision intrigante de la vie.

Quel a été votre moment le plus mémorable ou votre collaboration préféré au cours de ces 30 dernières années ?

Chaque jour fut un bon jour, collaborer avec moi-même est déjà bien.

30 ans c’est long, quels types de défis avez vous rencontrés jusqu’à présent ? 

Mon plus grand défi est celui d’avoir quitté mon poste de PDG il y a 20 ans, pour trouver un PDG libre de testostérone et un groupe de gestionnaires. Ce qui fut très difficile.

A.P.C représente un chic minimaliste et français. Êtes vous d’accord ? et que signifie le minimalisme et le style français pour vous ? 

Oui je suis d’accord sur la première partie, je suis fier de représenter le minimalisme. Mais le chic n’a pas de pays, donc je ne sais pas si le chic français existe. Quant au minimalisme, pour moi c’est un effort constant dans la recherche des bonnes proportions. Cet effort est maximaliste.

A.P.C a une façon très unique et subtil de créer la mode, devenu une marque reconnue, comment gérez vous ce succès et la longévité ?

Je ne suis pas riche en argent ou en pouvoir et je ne crois être un génie. Je n’ai absolument aucune insécurité sur le côté créatif, cela aide peut-être à la longévité.

Quel est article dont vous êtes le plus fier ? 

Je suis extrêmement fier du sac DOUCHE BAG.

À quoi va ressembler la réintroduction de la collection “Hiver ‘87” en 2017 ?

Je me sens bien, même si ce n’est qu’une partie d’hiver 87.

De quoi parle Transmission ? 

Il est composé de trois parties.

La première s’appelle “Percept” j’aime le mot “percept” je suis frustré, il n’existe pas en français et c’est plus confortable pour moi de l’utiliser en anglais. C’est donc le titre que j’ai choisi pour la première partie. Cel peut donner quelques indications aux lecteurs, certains disent que ça appelle de l’art, je ne l’appellerai pas ainsi car j’ai décidé de rejeter le monde de l’art. Cette première partie exprime des sentiments que je ne voulais pas mettre sur des mots. Disons que je ne suis pas actuellement équipé pour le faire. Dix ans d’études philosophiques auraient été nécessaires. Je voulais m’ouvrir avec des explications indirectes, je ne pouvais pas utiliser que des perceptions.

La deuxième partie est l’expression d’idées, expliquant mon travail dans le monde du textile et de la mode. Parfois il est bon d’expliquer les choses et de bien théoriser son sujet, mais il peut être aussi difficile de s’exprimer comme une fille au pair qui vous excite.

La troisième partie n’a pas besoin d’explications, n’est ce pas ? c’est une évidence quand on le regarde, il s’agit de la réalité éditée et du travail effectué par A.P.C au fil des années, et montrer l’éventail des choses que nous avons pu faire.

Le voyez vous comme une autobiographie ou une sorte de jalon pour vous et la marque ? 

Les deux, l’idée du livre a commencé en voulant transmettre un manuel d’instructions de vie que je voulais laisser à me enfants, expliquant les origines de notre famille et un peu de mes sentiments en tant qu’être humain. J’avais imaginé en imprimer une cinquantaine d’exemplaires à donner à ma famille.

Comment vous sentez vous lorsque vous regardez vos oeuvres passées, concepts et conceptions dans le livre ?

J’ai le sentiment qu’une machine efface le passé. La culture est entrain de disparaître, même le pain blanc devient non comestible. La nourriture devient mauvaise et le symptôme de la culture s’efface. Un sentiment de décadence qui me convient d’un point de vu historique. Les empires s’effondrent, tout tourne autour des cycles mais personne n’y fait face. La réalité est totalement floue par les inondations numériques. En moi cela déclenche une volonté de survie et j’ai choisi de le faire avec un livre. Cela semble prétentieux mais ça ne me dérange pas. C’est ma contribution contre la civilisation qui se perd.

Quand je regarde mes archives et l’histoire de ma marque, je suis parfois surpris. En effet, ce livre sera utile et agréable pour moi aussi.