Pablo Attal, l'espièglerie créative

Itinéraire virtuel et réel d’un jeune montmartrois

Quand Pablo Attal se pointe à notre rendez-vous, il semble à peine réveillé. Chaussé de la très convoitée Nike Blazer réinterprétée par Virgil Abloh, ce jeune parisien porte une marinière normande Saint James qu’il superpose d’un t-shirt de soutien aux proches d’Adama Traoré : “Justice Pour Adama : Sans justice vous n’aurez jamais la paix”. Entre élégance et engagement, Pablo semble capter l’esthétique de l’air du temps… En fait, Pablo est l’air du temps. À 19 ans, il aurait pu céder aux sirènes des stratèges marketing qui vénèrent les enfants de sa génération pour leur simple connaissance des codes des réseaux sociaux. Les filtres, les hashtags, les likes, Pablo les maîtrise à la perfection mais préfère aujourd’hui les laisser aux autres. Même s’il n’est jamais loin de son smartphone, l’étudiant se concentre sur des projets réels qui l’ont mené à diriger l’organisation de soirées hip-hop pour mineurs et la confection d’une collection capsule Ünkut.
Ce jour-là, les oreilles de Pablo sont cerclées des derniers écouteurs Beats By Dre. Son profil a été sélectionné pour incarner la campagne mondiale de la dernière collection de la marque :  Neighborhood. Tout commence à Montmartre…

 

À quel moment as-tu développé une affinité avec la culture urbaine ?  

C’est très lié à ma relation avec mon quartier finalement. Je viens du XVIIIème arrondissement de Paris et dans les années 2000, il s’agissait d’un vrai vivier de la culture urbaine : du graffiti avec TPK au rap avec Doc Gyneco, Scred Connexion, Flint. En fait, c’est un endroit très proche du 93. J’ai vraiment grandi là-dedans, du coup je ne me rappelle pas vraiment quand ça a commencé. En marqueur fort, j’ai eu ma première paire de Nike Air Max BW à 6 ans. Je les avais demandées.

 

Cette culture était présente dans ta famille ?

 Un peu… Mon père vient du rock mais il avait quelques bonnes références rap : le t-shirt de la première date de Public Enemy en France, le 33 tours de NTM, le 45 tours d’Enter The Wu Tang (36 Chambers). Des objets forts. Du coup quand j’étais petit il m’a fait écouter du rock et du rap.

Ce qui m’a vraiment amené à la culture urbaine, ce sont mes cousins qui étaient de gros fans de rap français. Quand j’étais petit, je voulais m’habiller comme eux par exemple : survêtement “caillera”, TN, G-Star RAW… J’avais 6-7 ans.

 

Pablo Attal Campagne Beats By Dre Neighborhood Casque Kaki 18ème Arrondissement Paris Montmartre

 

La portée symbolique de objets a marqué ton enfance.

Mon père donne beaucoup d’importance aux choses. Même s’il déplore la société de consommation, sa passion c’est la musique. Il m’a transmis l’envie de continuer à acheter des vinyles, l’écoute d’un album en ne se concentrant pas seulement sur les singles… Du coup, on s’asseyait, on mettait un vinyle et on écoutait de la musique. C’est une démarche simple mais elle a forgé une partie de ce que je suis aujourd’hui.

 

Quelles sont tes premières références dans le monde de la mode ?

Pharrell ! C’était un truc de fou… J’ai vraiment grandi avec MTV et Disney Channel… Par exemple, le visuel et le stylisme du clip “Rock Star” de N.E.R.D m’a mis une grande gifle.

J’avais déjà une vision très transversale de son travail. J’ai autant été impacté par sa simple façon de s’habiller que par ses créations avec Nigo sur Billionaire Boys Club et Ice Cream. Aujourd’hui, je m’en suis vraiment inspiré dans ma manière de travailler. J’ai récemment acquis les parts d’une marque de chaussure, j’aide un ami à créer une marque de vêtements…

 

À quel instant tu as commencé à être actif dans cette culture ?

 Mon truc c’est les vêtements, du stylisme à la production. Ma mère est costumière, du coup, ça a commencé très tôt. Très jeune, elle me racontait qu’on se battait sur les tenues que je devais mettre à l’école. Je refusais de mettre celles qu’elle avait choisies. Première section de maternelle, c’était déjà des guerres. Je pense que ce sont les prémices de mes goûts très ciblés.

Après j’ai voulu réfléchir à ma touche et mes designs au début du lycée. Quand on a fait les soirées Minor Squad avec mes potes, je donnais beaucoup d’importance aux visuels, aux flyers, à notre merchandising, à notre image sur nos shootings photo…

 

En fait, il s’agit vraiment du premier projet que tu as piloté.

 

Minor Squad est un projet qu’on a décidé de présenter avec deux copains à YARD. Tous les trois, on s’opposait vraiment aux agissements d’une partie de notre génération. On ne fumait pas, on ne voulait pas aller dans des cafés, on ne cherchait pas à faire tous ces trucs d’adultes. On avait envie de rester au quartier à jouer au foot et écouter du rap. On vient de Montmartre donc on voulait déconner entre nous et faire chier les touristes. On savait que dans Paris, d’autres personnes étaient dans le même état d’esprit. Du coup, on cherchait un moyen de fédérer toute cette communauté.

Je connaissais bien les soirées hip-hop pour adulte, il y avait donc une volonté de traduire ce format pour les jeunes de notre âge. Du coup, la vitrine de Minor Squad c’était des soirées pour mineurs qui se tenaient au Social Club. On en a fait deux et entre l’une et l’autre on a réussi à doubler le nombre de places.

Après on avait d’autres activités. On organisait des dîners avec des personnes qu’on trouvait intéressantes dans le cadre du programme “Youth Must Connect”. L’idée était de mettre en avant sur les réseaux sociaux de jeunes profils créatifs. On avait juste envie de s’intéresser aux autres, de les rencontrer, de discuter… Ça a vraiment marché car aujourd’hui ma collaboration avec Éclypsé (marque de chaussure française, ndlr) s’est faite à la suite d’une rencontre avec deux copains lors de nos soirées.

 

Pablo Attal Campagne Beats By Dre Neighborhood Casque Kaki 18ème Arrondissement Paris Montmartre

 

La vente de merchandising implique forcément leur production, ça a été une première initiation à la réalité de la création pour toi ?

Ça a commencé comme ça. C’était la première fois que je suis entré dans un atelier de sérigraphie. Je voyais la jeannette se caler sur le cadre, le mec tirait la raclette, l’impression sortait… Je suis passionné de sérigraphie et c’était une gifle pour moi.

C’est un secteur où plus tu connais les rouages de la confection d’une pièce, plus tes idées seront abouties. Tu retrouves la même chose dans la couture. Quand tu sais à quel moment tu dois t’arrêter pour que le tombé sorte d’une certaine manière, tu ne vas pas juste t’arrêter au dessin et les donner à un intermédiaire. Peut-être que cette personne ne saura pas exactement reproduire ce que tu imagines. Si je me bornais simplement à faire des designs, je risquerais de me retrouver dans des situations délicates où je n’aurais pas les outils pour rebondir.

 

À côté de cette préoccupation pratique, Instagram a joué un rôle important dans ton développement.

Quand j’ai commencé Instagram en 2013 j’avais très peu d’abonnés, je faisais très peu de « likes ». Pourtant, c’était l’époque où j’étais le plus intéressé par les statistiques. À un moment, ce n’était pas loin d’être ma vie et je n’avais aucun recul par rapport à ça. Je prenais tout très au sérieux. À l’époque j’avais l’application “Follower +”, si quelqu’un arrêtait de me suivre je le prenais personnellement.

Au final, c’est à partir du moment où j’ai commencé à m’y détacher que ça a commencé à porter ses fruits. Quand, j’ai participé comme mannequin au lookbook de Gosha Rubchinskiy en 2014, j’ai commencé à générer plus de trafic. Vu que je n’avais pas d’agence, Instagram devenait la plateforme où les gens pouvaient me contacter ou découvrir mon univers.

Aujourd’hui je travaille sur 5 projets et on concentre une part importante de notre communication sur Instagram. Par exemple sur Éclypsé on a fait le choix d’avoir un seul réseau social et c’est Instagram.

 

Le fait d’avoir travailler avec Gosha Rubchinskiy et Marcelo Burlon a fait grandir l’intérêt autour de toi ?

Oui. En 2015 Complex me fait figurer dans la liste des 25 leaders du style de moins de 25 ans. Dans la note qu’ils ont écrite sur moi, ils mentionnent notamment Gosha Rubchinskiy et Marcelo Burlon. C’est une des choses qui a inscrit mon nom sur la carte.

 

Qu’as-tu tiré de ton expérience avec ces designers ?

Laetitia Lotthé est un pilier de Gosha Rubchinskiy, elle s’occupe de tout ce qui ne relève pas de la création de vêtements. Je ne faisais pas de mannequinat et elle m’a contacté pour que je participe à ce lookbook. J’ai rencontré Gosha. Un personnage incroyablement créatif et d’une humilité rare. Le genre d’hyper timide, hyper introverti, toujours très gentil. À l’époque Sidney Geubelle secondait Marcelo Burlon et me l’a présenté. Ça a mis un ou deux ans avant qu’il me propose de travailler pour lui car je n’avais pas encore 16 ans. On a attendu et il m’a fait ouvrir son défilé Automne/Hiver 2014 – 2015 à Milan.

C’était de bonnes expériences mais ça m’a quand même appris que je détestais le mannequinat. Dans la mode, cela représente la forme la plus réduite de créativité. Un designer imagine des produits, des ateliers de création mettent au point un processus de confection, puis un photographe pense un univers visuel pour positionner les pièces… Tout en bas de la chaîne, il y a le mannequin. C’est juste un calvaire. Maintenant que j’ai la possibilité de créer des produits ou de m’occuper de la direction artistique de séances photos, je ne me vois pas vraiment retourner en bas de l’échelle.

 

Pablo Attal Campagne Beats By Dre Neighborhood Casque Kaki 18ème Arrondissement Paris Montmartre

 

À un moment, tu es passé d’une approche spontanée d’Instagram à quelque chose de plus structuré.

Quand je me suis mis à la photo en argentique il y a deux ans et demi. Au départ, j’ai commencé avec des jetables où je restais dans un esprit de spontanéité. C’était une période où j’écoutais énormément de Booba, mes 200 premières photos étaient systématiquement annotées d’une ligne d’un de ses textes. Au terme de cette année j’ai présenté ma collection capsule avec Ünkut. Au final, je me rends compte qu’Instagram est vraiment devenu une plateforme de présentation de ma vision créative.

 

Cette collection est vraiment le travail qui fait la transition entre le virtuel et le réel.

La capsule s’appelait “1 Of Ü” et le nom du projet était : “Laissez-moi travailler chez Ünkut” (une gamme de pièces inspirées de la marque de l’artiste). C’est vraiment la première fois que je me suis senti dans une réflexion créative avec l’influence de l’œuvre de Booba comme base. Je pars à New York l’été, comme lui lors de son voyage en 1995 – 1996 avant son incarcération. À ce moment, j’écoute vraiment les origines de son rap : toutes les premières apparitions sur compilation, Autopsie 1, Mauvais Œil et Temps Mort. Les premières briques de sa carrière. Dans cette partie de son œuvre, il fait tout le temps référence à son voyage new-yorkais. Du coup, j’étais dans le métro avec du Booba dans les oreilles et ça m’est apparu comme dans les films genre : “Eurêka !” Pour rester dans l’esprit, je voulais acheter, produire, shooter les pièces à New York. C’est pour ça que l’identité du shooting que j’ai finalement réalisé à Paris s’ancre dans l’esthétique des nineties new-yorkaises.

L’idée m’était venue trop tard pour la réaliser sur place. À mon retour en France, j’ai déniché un atelier de sérigraphie, j’avais ma machine à coudre et en deux jours j’ai imprimé une quarantaine de pièces. Deux semaines plus tard, je contacte Martin Mougeot pour réaliser le shooting. Du coup, je crée un l’Instagram @laissezmoitravaillerchezunkut et je mets en place une installation de 120 photos légendées par 120 citations de Booba.

 

Tu t’es approprié des pièces déjà très populaires comme Levi’s, Carhartt et Champion…

 

J’ai repris chaque produit surtout les pantalons pour lesquels j’avais des idées très précises afin de les ajuster avec l’énergie. Pour les pièces plus simples comme les t-shirts, c’est vrai qu’il y a seulement un travail de sérigraphie.

 

Une période qui colle au boom du “bootleg”.

Je ne l’ai vraiment pas pensé de cette manière, c’était un choix pragmatique. Je n’avais pas l’argent pour produire ma collection en usine. Puis quand j’appelle le projet “Laissez-moi travailler chez Ünkut” ce n’est pas une formule… Je voulais vraiment travailler pour eux. Du coup je ne voulais pas leur proposer une collection “bootleg” mais des pièces que j’imaginais sur les portants de leurs magasins. Ça a plu au public, ça a moins plu à Ünkut malheureusement.

 

Au final, tu n’auras pas trouvé de nouvel employeur mais tu auras quand même de belles retombées presse.

Je ne peux pas mentir aux gens, le projet est dans le nom. Du coup, j’ai failli à ma mission. Mais quand je lis dans certaines publications que je suis un “fashion designer”, c’était vraiment inespéré. Je faisais des vêtements mais je n’avais jamais eu la prétention d’être un créateur… Je ne le pense toujours pas d’ailleurs. C’était quand même une belle réussite personnelle.

C’est un projet formateur pour la suite de mon travail. Mes réflexions créatives se dirigent maintenant beaucoup plus sur des concepts entiers pour les présenter au public.

 

Pablo Attal Campagne Beats By Dre Neighborhood Casque Kaki 18ème Arrondissement Paris Montmartre

 

On peut dire que l’étape d’après c’est Éclypsé ?

J’ai donc rencontré mes deux associés Noah et Tom sur Minor Squad. En 2015, ils ont produit une première paire, le « Modèle 0 ». Il s’agissait vraiment des prémices, ça nous a permis de beaucoup apprendre techniquement, notamment sur la production. Sur le “Modèle 1”, ils sont vraiment venus à ma rencontre dès le début ce qui m’a permis de penser à un projet visuel complet. Du coup, je me suis occupé de diriger entièrement les shootings, la relation avec les médias, puis prochainement les plans de distribution.

 

Pour toi qu’est-ce qu’un “influencer” ?

Premièrement je ne pense pas en être un. Pour moi un “influencer” a très peu de créativité, les marques s’intéressent seulement à des profils qui arrivent à fédérer beaucoup d’énergie autour d’une image par le biais des réseaux sociaux. Ce phénomène se matérialise par son nombre plus ou moins important d’abonnés. Un “influencer” est un chiffre finalement.

Aujourd’hui, je n’ai plus de démarche quantitative sur mon Instagram. Cet été je n’ai posté qu’une seule photo. Toute mon activité se concentre sur ma créativité et sur sa transmission. Je ne veux pas me réduire à être un “influencer”.

 

Comment tu expliques que Beats by Dre fasse appel à toi ?

J’ai eu la chance de rencontrer Rocky Xu, un ancien de chez Nike qui travaille au siège de Beats By Dre, avec qui j’échange énormément. Trois semaine avant la campagne, il m’écrit simplement : “Tu habites dans quel quartier ?” Je lui réponds que je vis à Montmartre… Sans réponse. Quelques jours plus tard, il m’envoie une autre question un peu évasive : “On sera à Paris dans deux semaines, tu seras là ?” Puis il m’explique : “On veut que tu sois le visage de ton arrondissement pour la nouvelle campagne mondiale Beats By Dre Neighborhood.” C’est allé très vite. Trois semaines après le premier message, je signe les contrats ; quelques jours après, on photographie la campagne.

 

Que signifie pour toi de représenter ton quartier ?

Pour moi c’est énorme car je l’ai tatoué ici tu vois (il soulève son t-shirt et affiche un large 18 inscrit sur son abdomen). Le XVIIIème est un vivier d’histoire créative. La liste des artistes qui ont travaillé à Montmartre est tellement longue et remonte tellement loin. J’ai vraiment l’impression que c’est une bénédiction d’y avoir grandi. J’ai la chance de montrer au monde ma façon de le vivre au quotidien, de partager cette expérience. Par exemple on me voit jouer aux cartes au Bateau Lavoir où je traîne avec mes potes, c’était l’un des ateliers de Pablo Picasso qui a brûlé.

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